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Le Figaro, 2 juin 1927

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Le Figaro
2 juin 1927


Extrait du journal

Ils sont quarante-sept, héros et martyrs du septième art, qui promènent sous nos cieux dépeuplés la large tonsure des moines du moyen âge, mais nous n'en savons qu'un seul qui porte l'auréole. De celui-là, le crâne dénudé brave les quolibets des Gentils et les courants d'air du métro ; une mince couronne de che veux plats dégage l'orbe parfait de sa calotte : Frère Jean des Entommeurs lui-même, de tru culente mémoire, n'avait pas plus fiere mine. Les autres... Eh bien, les autres ont accepté comme lui les conditions formelles d'une entreprise de cinéma qu'anime une haute conception de la reconsti tution historique et qui . préfère au sacrifice de la vérité celui des plus opulentes toisons. Admis à revêtir la robe de bure des bénédictins et des carmes dans un film'héroïque qui se tourne présentement, ils ont dû renoncer à la poudre, aux fards et à tous les artifices de maquillage en usage au.théâtre, mais, surtout, ils se sent engagés par contrat à adopter, aussi longtemps que se succéderaient les prises de vues — et ce durant nn minimum de quatre mois — cette coiffure ecclésiastique. Une clause spéciale leur enjoint d'ailleurs de se rendre au studio tous les deux 'jours» et- de s'y. faira passer, la» tête aiL ;irasoir; igintm' au. papier de verre. Le résultat paradoxal d'une- telle conscience à reproduire la féalité est de faire pivoter cidevant derrière cette statue de Janus qu'on nomme l'Art et la Vie. Car on devine que les pauvres tonsurés en sont réduits, pour la plupart.- à porter à la ville perruques et postiches. La firme cinématographique y a pourvu avec une généreuse urbanité et elle les a nantis, dès le premier tour de manivelle, de ces accessoires fallacieux. Et puis, pour tout dire, la prévoyante Dame Nature avait aussi ses élus dans l'affaire. Jamais ceux qu'elle avait affligés au préalable d'une calvitie dérisoire n'ont été à pareille fête. Un bouillonnement d'allégresse à secoué les cuirs chevelus stériles. Les chauves enfin tenaient leur revanche. Il en est même — on l'assure — qui ont profité de l'occasion pour se faire allouer un toupet surnuméraire qui les rajeunit de vingt :yis et les rehausse dans l'esprit du siècle. Jacques Patin. LES GRAMDES ^PREUVES' ANGLAISES...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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