Extrait du journal
■...D'un pas lourd, serrées dans leurs robes noires, les mères vont vers les tombes. Les épouses peuvent se consoler, les sœurs s'attacher à de nouvelles tendresses, les filles sacrifier le passé à.l'avenir : les mères seules n'oublient pas, n'oublient jamais. Elles vont, en serrant dés fleurs contre leurs poitrines, comme si elles serraient en core contre ellçs le cher mort pour qui elles vont prier. Balbutiements ! C'est d'abord une prière, puis c'est une conversation. « Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pour lui, pour mon pauvre chéri... Oui, mon enfant, c'est moi, ta mère, qui suis là... je viens te voir... tu n'as pas froid ? tu n'as besoin de rien ?... oui ! oui ! je suis folle : mais pour moi, tu te survis, mon fils:., tu n'es pas tombé sur le revers d'une tran chée, l'éclat n'était pas si meurtrier puisque, rie nous deux, il a* laisse un survivant. De mi-besogne ! comme si les mères devaient survivre à leurs enfants!... Je ratisse la terre de ta tombe comme jadis, quand tu étais petit, je bordais tes draps... priez pour nous,, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il... Au re voir, mon chéri, à bientôt... » Mais elles s'attardent devant le tertre qui cache un pauvre corps désagrégé. Je connais une mère douloureuse dont trois fils sont couchés dans trois cimetières du iront. Jacques est tombé en Alsaet. Maurice en Champagne, Edouard en Artois. Chaque année, elle va vers les trois petites tombes, elle erre .de la mer aux Vosges, elle éparpille sa triple prière, elle n'est ni- cour bée ni accablée, elle porte son triple deuil sans se plaindre et sans geindre, mais sans orgueil. Elle a éfé choisie pour que son cœur fût poignardé trois fois, elle attend l'heure de sa mort qui remettra les choses au point et la réunira à ses chers petits qui sont par tis avant elle. Elle n'est pas impatiente, elle a la foi, l'espérance et l'amour, qu'est-ce que' de si courtes années pour elle, qui a la cer titude de l'éternité ? Les mères ne se surchargent pas de grands voiles qui dissimulent les visages hypocri tes ; elles montrent leurs faces sillonnées ; les pleurs ont gercé la peau.'des pommettes rougies et le pli creusé aux coins des lèvres grimace un peu du sel de tant de larmes... Les mères ! Dieu seul sait le poids de leur douleur, et de.quoi nous plaignons-nous, nous qui errons parmi les pierres, nous qu'accable encore notre chagrin frémissant, nous qui avons cou ché notre jeunesse dans un linceul ? Sans doute .notre désespoir est légitime, mais celui des mères ?... . . Robsrt Dieudonné....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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