Extrait du journal

... Je le vois quand j'étais conscrit, à /époque de la guerre de Crimée, c'était son plus beau temps. Jamais il n'avait montré tant d'initiative et de courage, et en même temps il avait encore toute sa dis cipline. Il revenait de Sébastopol, ra(dieux, couvert de gloire, contant ses ^exploits, n'imaginant pas d'autre exis tence que celle du régiment... j Avait-il laissé une famille, des amis au '« pays»... Il ne s'en souvenait plus ! 11 y Savait tant, d'années qu'il ne les avait vus. Les diligences mettaient tant de temps, les lettres coûtaient si cher, les permissions étaient si rares, que peu à peu ces souvenirs avaient pâli, puis s'étaient effacés. i D'ailleurs, pourquoi songer au village ; [on n'y était pas heureux alors : ses frères y travaillaient pieds nus, mangeait de la viande deux fois par an et ne buvant (jamais de vin ! Son vrai village, c'était la caserne; tgon clocher, c'était le drapeau ; son père de famille, le colonel ; ses compatriotes, les camarades de la chambrée : de la chambrée où avec l'or des rengagés tous étaient cent fois plus riches qu'au pays. Quitter le régiment ? Jamais ! Est-ce que le sergent demandait son congé? Estce que le capitaine parlait de prendre sa retraite? Est-ce que cette retraite n'était pas'Theure fatale, redoutée des braves, où il fallait rentrer dans la tourbe des Vils bourgeois. Estrce qu'il y avait dans l'univers un ilre plus envié gue le soldat? Est-ce que,...