Extrait du journal
•— Ce qu'il faut, c'est d'organiser des banquets; comme ceux de l'an dernier,à Chambord. Voilà ce qui fait du bien. : — Connaissez-vous la prophétie de Montpellier ? Non. C'est très curieux. Oc tave me l'a racontée. Attendez donc... Il y a une nouvelle Commune à Paris, un grand 93, on tue tout, on brûle tout... Puis le comte dp Chambord arrive avec Charette... Non, je me trompe... il n'ar rive pas d'abord; c'est Plon-Plon qui 'livre une grande bataille au duc d'Aumale... Enfin, je ne sais plus trop, — mais ce qu'il y a de certain, c'est que cela finit p&'r le drapeau blanc et cinquante ans de prospérité. Pourvu qu'à la fin de tout les orléa nistes soient embarqués pour Nouméa, moi je trouve la prédiction bonne. , — Adieu. Vous ne passez pas ce soir au Casino ? Venez donc : Ernest nous dira des bêtites. — Mais, vous savez, ma chère, on dit que ce n'est pas de lui et qu'il prend ça dans la Vie Parisienne. — Qu'il le prenne où il voudra, cela m'amuse. En vérité, il y a tant de gens qui sont bêtes naturellement, qu'il faut savoir; gré à ceux qui vous apportent l'esprit des autres. — Je vous disais donc que quand ces coquins d'orléanistes ont soulevé l'af faire du drapeau, voici comment cela 's'est passé ; mon mari le tient de Bla cas, etc., etc. Groupe des bonapartistes : Ah! ma chère, comme c'est triste! C'est bien fini, allez l Vous rappelez-vous du temps de Morny comme on s'amu sait? Vous rappelez-vous ces courses, ce monde, cet entrain? Je ne peux pas y croire, je regarde cela comme dans un rêve ! — Moi, ce qui^ m'exaspère, c'est ce Figaro qui ose encore redire'que c'est la faute de tous les conservateurs!... Je ne peux pas entendre ça. — Pour les royalistes, c^e.st bien leur faute, par exemple! Ils nous ont trahis au 24 mai. — Et puis, c'est la faute du maréchal qui a lâché l'Empereur à qui il devait tout, pour un roi qu'il n'avait jamais vu ! —Mais, nous autres, nous n'avons pas varié, si on avait voulu se réunir à nous, l'Empire était fait, la France était sau vée l... — C'est comme ces- grandes tartines : refaire l'éducation du 'peuple, envoyer nos fils à l'armée, créer beaucoup d'œuvres, avoir beaucoup d'enfants... — Avoir beaucoup d'enfants! Com> ment, il dit cela? — C'est écrit tout au long! — Je vous demande un pou de quoi ces journalistes s'occupent! Moi, j'ai deux fïls, je trouve que c'est bien assez, et j'espère que le bon Dieu ne m'en en verra pas d'autres. — Et moi, je compte bien élever les miens de façon qu'ils n'aient pas l'idée de me quitter pour aller s'engager ! — Mais non! tout cela ce sont des phrases. On ne refait pas un peuple. Dans l'état où il est,_ce qu'il faut, c'est un sabre, un bon sabre pour le contenir. — Et pour cela, il faut que ça aille mal, beaucoup plus mal... Une nouvelle Gommune. Alors, quand ils auront peur, ils viendront à nous. Le salut est là. — Oui, ma chère, mais ça ne va pas assez vite. J'ai la fièvre, chaque matin, quand j'ouvre mon journal. Je voudrais voir l'armée démissionner comme la magistrature, puis la marine... Enfin, qu'il ne reste plus rien! — Dame, savez-vous qu'en voilà déjà deux cents partis. — Ah! j'en voudrais cinq cents, j'en voudrais mille ! — Enfin, elle voudrait plus de démis sions que de magistrats ! — Ainsi, je cherche chaque jour le nom d'Alfred... Je suis furieuse contre lui ! — Eh! ma chère, c'est bien vite dit. Alfred est un père de famille ; quatreenfants, pas de fortune ! — Ça m'est égal ; il faut que cela aille plus vite que cela? Depuis dix ans que nous attendons ! • — Mais non, il ne faut pas trop se dé pêcher. Réfléchissez donc ! Vous ne vou lez pas de Plon-Plon, n'est-ce pas ? . — Jamais, à aucun prix! — Eh bien, il faut encore quelquesannées pour que son fils soit possible... Je sais bien que les autres ont un roi sans royaume... Mais enfin, un Empire sans Empereur ce n'est pas une bien bonne situation. — Adieu, adieu! Moi, vous savez, tout m'est égal, pourvu qu'il y ait un sabre, un grand sabre. Groupe des Orléanistes. — Ça va mal !... On nous expulse de partout. Quelle in gratitude! Mon mari me le disait hier encore : Sans nous autres, aucun de ces gens là ne serait au pouvoir. C'est nous qui avons fait la République, c'est nous qui avons paralysé la réaction. Et voilà comment on nous récompense ! — Jît encore, vous vous plaignez, ma ichere ! Votre mari est dans la bon cen tre, le centre droit. Si vous n'avez plus de place, au moins àvez-vous dans le monde une position possible. Mais nous autres, « pauvres pelés, pauvres galeux» du centre gauche, — recevoir des sotti ses de tous les côtés, n'être plus salués par ses anciens amis, etpour comble, se voir mis à la porte par les gens à qui on a tout sacrifié?.-.. — C'est vrai, c'est vrai, chère amie. — Ce Gambetta,que mon mari me van tait tant, qui, après s'être servi de nous contre les hommes de l'Empire, nous mètefehors comme de simples valets de pied!... — C'est une indignité ! — Et pardessus le marché, être forcés de garder le silence pour ne pas réjouir les réactionnaires qui se moqueraient trop de nous/,., — Oh ! c'est bien cruel, bien cruel. . •— Qaand lo Figaro nous répète que c'est la faute des conservateurs!... La faute des autres, je ne dis pas; de ces fous de chevau-légers et de ces coquins de bonapartistes! . — Sans parler de ce maréchal, qui, devant tout à Louis-Philippe, a aban donné ses fils pour se donner aux gens de l'Empire. Voilà les vrais counables!...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - tommy
- albert millaud
- amboise
- labrouste
- marcel
- brébant
- boeswilwald
- yparraguirre
- dupré
- cornudet
- paris
- france
- belleville
- rochefort
- chambord
- dieppe
- alfred
- chantilly
- italie
- trouville
- la république
- drouot
- école de cavalerie
- sénat
- école de frères