Extrait du journal
(par dépèches de nos envoyés spéciaux) Nantes, 3 décembre. Les plus navrants désastres de l'année dernière n'ont rien eu de plus terrible ni de plus hideux que celui qui, aujour d'hui, accable la région nantaise. Et c'est devenu une entreprise très malaisée que de parvenir à Nantes. Imperturbable ment la gare du quai d'Orsay délivre des billets que l'Etat, aussitôt que vous en trez sur son réseau, veut ignorer. Tant que vous êtes -sur l'Orléans, les choses vont bien, et vous traversez les gares aux heures réglementaires; mais, • aussitôt que la rupture de la ligne, au delà d'Angers, vous oblige à pénétrer sur le domaine de l'Etat, tout change. Les trains ne partent plus, n'arrivent plus. Les correspondances n'attendent pas et, planté dans la nuit sur un quai ruisselant de pluie, vous rencontrez à Cholet un extraordinaire chef de gare qui, refusant de vous transporter, vous dit sérieusement : L'inondation, je ne. connais pas ça. C'est l'affaire de l'Or léans. » Bref, ayant quitté Paris hier soir, à neuf heures, je suis arrivé à midi, après quinze heures de transbordements et de stations nocturnes dans' les gares de l'Etat. On parle volontiers • en notre temps de scandales, en voici un qui ne sera pas contesté. On finit tout de même par arriver. Mais quel spectacle! De chaque côté de la ligne, l'eau a tout envahi. Les champs, les prés, les jardins forment une mer immense d'où émergènt des branches d'arbres, le front d'une haie, une maison à demi noyée. Un pont que vous aper cevez à droite, un autre .à gauche, sont le, signe que le fleuve,, dans son. cours ordinaire, passe là. Mais le fleuve au jourd'hui est perdu dans un océan limo neux et courroucé qui, en plein midi, confondu dans l'haleine grise d'un ciel lourd, apparaît sans limités. C'est sinistre et grandiose. Grandiose comme l'arrivée à Venise, à travers la nappe immobile de la lacune. Sinistre comme le crime lâche d'une force natu relle contre l'impuissance humaine. Nantes a bien le visage des villes qu'étreint une angoisse. Ses voies étroites et rudes sont grouillantes. Sous la pluie qui bat, le pavé, on s'arrête au coin de certaines rues, devant certaines banques où sont affichés des télégrammes. On crie des feuilles. Et les figures sont graves et les têtes se penchent. Comment lus cœurs ne seraient-ils...
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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