Extrait du journal

Les rêveurs, les esprits étroits Sans bon sens ou sans esthétique (Indignes donc de tous respects), Pensaient qu'après trois ans de paix On aurait du pain authentique ; . Du pain ni brie ni mollet, Prétentieux,'doré sur tranches, Où le seigle et le rebulet Se compliquent d'ceuf'et de lait, Mais dU pain de farines blanches. Ou ce pain bis, substantiel, Jamais ni trop mou ni trop ferme, Exempt de'glucose et de sel. Tel qu'autrefois sous notre, ciel On en pétrissait à la ferme ; Ou pain tout court, du simple pain Comme, de Rayonne à l'Alsace, Le chemineàu de Richepin, Par le soleil peint e t repeint. En emportait dans sa besace. Cet antique et sûr compagnon De l'humanité pauvre ou riche Qui garantissait du guighon, Le gueux dévorant un quignon, Le gourmet dégustant sa miche ; -Ce pain (c'est à pousser des cris Jusqu'à ce qu'on devienne aphone), En province comme à Paris Est remplacé, non par du gris Ni par du noir, ipais. par du jaune. Oui : du pain jonquille ou safran ! Redoutant un juste reproche, Le boulanger dit, en l'offrant : — « Il est exquis!.. A parler franc, On jurerait de la brioche !.. » Seigneurs du pétrin et du four. Quoique votre industrie- en dise, Nous voulons du pain chaque jour Pour nous alimenter; non pour Nous payer une friandise. C'est (si j'ose dire) un bateau ; Car avec le poisson, la viande, Est-oe, qu'on mange du gâteau ?.. Tâchez de nous rendre au plus tôt Le brave pain qu'on vous demande. Avec dés ruses de Scapin (Voilà le point qui nous divise), Sur nous vous mettez le grappin ; Et « Plus de leurre que de pain » ., Parait être votre devise. Hugues Delorme....