Extrait du journal
Nous pouvions avoir sept et huit ans, mon îrèrë cadet et moi. On nous avait donné un livre de contes de fées qui nous fascinait, plein d'images de géants et d'ogrès. Un jour le volume tomba entre les mains de notre père, qui en fut horrifié. « Cela va leur donner des cauchemars », dit-il. Et déjà il s'apprêtait e le déchi rer et q le jeter sur les bûches qui brûlaient dans la cheminée. Nous eûmes un seul cri. Je me précipitai en larmes sur les bras de mon père ; mon frère tomba sur les genoux, devant un tabouret, comme il faisait chaque soir pour sa prière. A la vue de notre désespoir, mon père s'attendrit, nous plaisanta et nous rendit le livre. Mais nous n'oubliâmes pas de sitôt cette dramatique alerte, et je me souviens d'une discussion que nous eûmes sur le point de savoir lequel de nous deux, dans l'instant décisif, avait agi le plus utilement. Mon cadet préten dait que, sans l'aide de Dieu, rien n'aurait pu changer la mauvaise pensée de notre père ; je soutenais que, si je ne m'étais d'abord cramponné au livre, Dieu n'aurait jamais pu intervenir à temps. Et nous tombâmes d'accord qu'il avait fallu notre double action'. Ma position était, sans contredit, la plus faible philo sophiquement, mais elle se rachetait par un certain bon sens pratique. En somme, pour défendre nos ogres, nous avions innocemment adopté les deux tactiques complé mentaires : celle de la couverture qui arrête le premier i;hoc de l'envahisseur et celle de la résistance eu profon deur, par l'appel auxiîorces permanentes. Car une fois la première < attaque déjouée, qu'il s'agisse d'un homme ou d'un pays, c'est sur ses réserves de foi, de vitalité, d'énergie que la lutte va pouvoir » * poursuivre. De même que, pour approvisionner un seul artilleur du front en projectiles et matériel de toute «orle, il faut, à l'arrière, je ne sais combien de personnes qui travaillent ' pour lui, de même il faut, moralement, pour soutenir les grands efforts militaires et ce qu'ois réclament de courage exceptionnel, tout un hinterland de petites vertus quotidiennes, faute de quoi la bravoure reste sans durable efficacité. .Toute la question est de savoir ou nous en somme!, par rapport à 1914, sur le chapitre des qualités modestes *. conscience au travail, endurance, honnêteté, car elles font la santé de chaque cellule sociale, et chacun sait qu'un corps sain récupère ses pertes bien plus rapidement qu'un autre. La grande gabegie d'entre les deux guerres, l'universel laisser-aller qui a causé l'encrassement de tant, de rouages, ne permettent pas un diagnostic immédiate ment rassurant. Vingt ans d'abandon au solutions pares seuses ne favorisent pas les prompts réflexes, ceux de la ruche attaquée dont toute la population, en une seconde, passe des travaux de paix les plus routiniers aux extrê mes résolutions guerrières — extrêmes, puisque toute abeille qui réussit à piquer l'adversaire n'est condamnée à rien de moins qu'à mourir, faute de pouvoir retirer df la plaie son dard barbelé. L'étrange forme que la guerre a , ..ise nous laisse de providentiels délais de rééducation. Ce qui semble manquer le plus, ce n'est pas le bon vouloir, c'est l'ima gination dont les pointes vives, les lancinantes prévisions inciteraient à vouloir vite. L'abeille est peut-être inca pable d'imaginer qu'elle mourra si elle pique ; la plu part des Français n'imaginent pas encore qu'ils mourron. s'ils ne piquent pas. Comme si le délai de grâce devait durer toujours, le passage à l'exécution garde des lenteurs, des aises toutes pacifiques. Les enfants, dans leur naïveté, voulaient don ner à Dieu le temps d'intervenir. Ils n'auraient pas com pris que Dieu ne se dépêchât pas davantage. * - Jean Schlumbergep....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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