Extrait du journal

Nous avions encore dans Paris un coin qui avait conservé la grandeur rayonnante de .l'art. C'était ? le Louvre ; on y entrait avec émotion, car on s'y sentait détaché des mesquineries de la vie quotidienne ; il représentait la postérité des grandes gloires assises dans "l'estime des siècles..On emportait des visites une sensation pénétrante du génie des BeauxArts; il y régnait le majestueux.: silence ' du tombeau, la manifestationde lapensée survivant à l'artiste. Aucun peintre de quelque talent n'a parcouru les salles sans descendre au fond de sa conscience pour se demander .s'îi."mériterait un 'jour l'honneur d'être conservé parmi ces ancêtres. Le Luxembourg démocratisé,' trop facilement ouvert par les préposés aux Beaux-Arts, hommes le plus sou- < vent sans autorité qui voulaient se faire I une clientèle dans les ateliers, a déjà, ' depuis des années, perdu son prestige par l'entassement d'ouvrages médiocres, se faufilant là par la protection. Le palais des Beaux-Arts, par l'abominable complaisance de l'administration, ne s'en tient pas aux expositions posthumes de l'oeuvre d'un Delacroix ou d'un Millet, devient un hall comme un autre où les expositions se suivent, tout comme j si le monument du quai Malaquais était une succursale de la salle Georges Petit ; on le prête volontiers aUx familles; pour, faire mousser la vente après décès qui se prépare. La sérénité de l'art craquait déjà sur toutes les coutures ; mais il restait, pour imposer te respect, le beau musée du Louvre, le plus complet du monde. Ici, l'Art était maintenu dans son rayonnement, en dehors des vanités affolées et des intrigues quotidiennes. Cela ne pouvait pas durer....