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Le Figaro, 6 décembre 1911

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Le Figaro
6 décembre 1911


Extrait du journal

jusqu'aux épaules. Il besogne à son établi, dorant un maroquin du Levant. Au bruit de la porte qui s'ouvre, Mériot'a relevé la tête, une fine et intelligente tête d'artiste qui annonce droiture et loyauté. Il me reçoit sans morgue, sans pose, à la t»onne franquette. De ce jour, date notre amitié, et depuis, je me félicite d'être de ses intimes. Que de bonnes heures j'ai passées en' sa com pagnie, dans cet atelier célèbre en tout le Sud-Ouest où défilèrent des légions d'écrivains, 'de peintres, de sculpteurs et de musiciens 1 Causeur sagace, spirituel et gai — bien que la vie ne lui fut pas toujours clémente — il nous contait ses dures années d'apprentis sage durant lesquelles il dévorait plus de livres de vers que de livres de pain, et plus tard, devenu patron, l'effort surhumain qu'il dut fournir pour élever sa famille nombreuse. Maintenant au souvenir des mauvais jours son clair regard sourit sereinement, car la misère n'a point aigri son cœur. Et il nous contait aussi —. et surtout —- ses camarade ries littéraires, nous confiait ses espoirs, nous communiquait sa foi. Soutenu par Cladel et Goncourt, il eût pu, comme tant d'autres, conquérir Paris. Modeste et conscient de sa force, il préféra demeurer fidèle au pays na tal, attendant avec tranquillité la notoriété qu'il eût obtenue, en quelques mois, à c.oups de réclame et d'intrigue. Adepte de l'art pour l'art, disciple de Ban ville et du grand Théo, il n'a qu'une pas* sion : la beauté ; qu'une haine : la bêtise. En nemi du convenu et du banal, amoureux de la couleur et de la forme impeccable^ épris des rimes et des rythmes, il n'a qu'un souci : servir .dévotieusement son idéal. Il travaille patiemment, polit le métal de ses phrases, le cisèle avec amour, préférant la qualité à la quantité. « Il convient d'écrire lentement, af firmait Lamartine, quand on veut écrire pour la postérité. » Ne soyez donc pas surpris si Mériot a conservé pendant vingt ans sur le chantier ses Lys de minuit qui vont voir le jour. Je les ai vues naître une à une, ces belles fleurs, je les ai vues éclore et j'ai vu le bon poète former sa gerbe. Vous pensez bien qu'aucun ruban n'a jamais fleuri la boutonnière de ce sauvage. Mériot n'a pas même le ruban du Mérite agricole, encore qu'il ait, excellent horticulteur, paré de ses opulentes Scabieuses et de ses Lys triomphaux le divin Jardin des Muses. Mais les décorations, Mériot les dédaigne. Il l'a déclaré : v ■ ... Je reste celui qu'aucun brin de laurier Ne tente ; je.

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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