Extrait du journal

Les paysans passent, d'ordinaire, pour être bien fins ; les candidats, très souvent, pour être bien bêtes. On a écrit, là-dessus, des romans, des comédies, des traités de science sociale qui, tous, ont confirmé ces deux vérités, par l'observation, le raisonnement et la statistique. Or il arrive que ce sont les candidats qui, toujours,« roulent » les paysans. Ils ont pour cela un moyen infaillible, qui ne demande aucune intelligence, aucune étude préparatoire, aucune qualité personnelle, rien de ee que l'on exige du plus humble employé, du plus obscur serviteur de l'Etat. Ce moyen est tout entier dans le mot: promettre I En réalité, le candidat n'a pas autre chose à faire, s'il veut réussir, qu'à exploiter - exploiter à coup sûr - la plus persistante, la plys obstinée, la plus inarrachable manie des hommes : l'espérance. P&r l'espérance, il s'adresse aux sources mêmes de la vie : l'intérêt, les passions, les vices. On peut poser, en principe absolu, l'axiome suivant : « Est nécessairement élu le candidat qui, durant une période électorale, aura le plus promis,quelles que soient sesopinions,à quelque parti qu'il appartienne, ces opinions et ce parti fussent-ils diamétrale ment opposés à ceux des électeurs; cette opération sociale, que les arracheurs de dents pratiquent journellement sur les places publiques, avec moins d'éclat, il est vrai, et. plus de retenue, s'appelle, pour le mandant : dicter sa volonté ; pour le mandataire: écouter les voeux des populations. Dans les journaux, cela prend des noms encore plus nobles et sonores. Et tel est le merveilleux mécanisme des sociétés, que voilà déjà plusieurs milliers d'années que ces voeux sont toujours écoutés, jamais entendus, 1 et que la machine tourne, tourne, sans la plus petite fêlure à ses engrenages, sans le moindre arrêt dans, sa marche. Tout le monde est content, et cela va très bien comme ça va 1...