Extrait du journal

Comme elle est loin,loin, l'Expositionde 1900! Et pourquoi y pensai-je maintenant? C'est la faute de l'enseigne Ullmo, le fumeur d'opium. Je me souviens d'être allé en ce temps-là visiter rue Blomet avec le docteur Jean Charcot une bien singulière maison où campait la troupe multiforme du panorama du « Tour du monde ».' Tour de Babel aussi, cet immeuble où logeaient des gens de toutes races."Au dernier étage, dans un atelier de peintre, des mousmées japonaises accroupies, les jambes croisées, mangeaient en souriant du poisson cru dans de minuscules tasses de fine porcelaine. Au-dessous habitaient des Cynghalais cuivrés aux vêtements ornés de clochettes, qui dansaient en soulevant au-dessus de leur tète de lourds serpents pendant qu'à l'étage voisin des musiciens siamois jouaient sur leurs gongs un air sacré des pagodes lointaines. Là, j'aperçus, dans un réduit sombre à l'odeur écoeurante,une forme humaine étendue ; sorte de fantôme portant quelque chose à ses lèvres. Des flocons noirâtres de fumée s'échappaient d'une courte pipe sem blabie à un jouet d'en Tant ; d'étranges mains osseuses plongeaient dans la flamme, d'une petite lampe de longues aiguillera tricoter. Des soupirs ou plutôt des grognements de bête satisfaite sortaient de cette bauge. Et l'odeur, une horrible odeur à la fois acre et fade, indéfinissable, .imprégnait lés. murs, rampant sous ce plafond bas*...