Extrait du journal

[Au ministère des Affaires étrangères. Entré par la petite porte du quai d'Orsay, nous traversons le jardin et pénétrons sous une vaste construc tion de bois. Ce bâtiment est aménagé sur le modèle de celui où l'Aéro-Club emmagasine se» aérostats ou encore de celui où niche à cetto heure le Santos-Dumont 1423. Aussitôt la porte, poussée, une haute voûte ap paraît. Contre le toit élevé, des ballons de toute sorte.se pressent: il y a des ballons rouges, des ballons d'essai, des ballons du Louvre. Il y en.a de jaunes et de gris.de ronds et de fusiformes.il. y en a aussi en forme de canards. Dans une pe tite travée parallèle, sont rangées des quantités de vessies. Des groupes de gens en uniforme" sont incessamment occupés à les prendre 'pour des lanternes.] Ce hangar officiel n'est autre que le garage où le ministère des Affaires étrangères range les Hautes Sphères diplomatiques. Poliment, nous nous adressons au gardien, fonctionnaire à casquette, et qui porte le titre d'attaché. — Ce sont des explications, monsieur, que je viens chercher. Les feuilles m'ont appris que votre ministre, avait rédigé ces jours der niers une note verbale et que cette noté, reco piée à plusieurs exemplaires, allait être trans mise aux ambassadeurs des puissances ? Le gardien. — Et vous avez été surpris de la contradiction apparente des termes? C'est que vous ne connaissez point, monsieur, les usages de la Carrière. Chez nous, une note verbale peut être écrite ; de même, un rapport écrit consiste généralement dans une simple conversation. Le propre de la diplomatie est en effet de dépouiller les . mots de leur sens.. Ainsi elle rend ses propos incompréhensibles au reste des hommes et par là elle justifie son. existence.. • Et avec un sourire complexe le Gardien des. i Hautes,Sphères nous, invite à visiter les lo caux confiés à ses soins : Des-boites à mou-, ches scellées des sceaux de l'Etat renferment des réserves de ces fameux points noirs dont les diploïnates font un si fréquent usage. Plus loin, dans de jolies niches, des chiens prêts à, être rompus. En une armoire, qui embaume la naphtaline, des tapis sur lesquels doivent, se poser les questions. Nous prenons congé. Le gardien nous re conduit, et derrière nous il verrouille un nom--bre considérable de serrures, de cadenas et de verrous. — C'est ce qu'en diplomatie, monsieur, nous appelons la Porte Ouverte... G.-A. de Caillavet....