Extrait du journal
Pour retrouver la saison, pour échapper un instant à la fièvre et à la laideur de la ville, deux citadins amis, l'un homme et l'autre femme, déci dent d'aller dîner hors de Paris. L'auto qui les emporte court dans le faux-jour du crépuscule, à travers des faubourgs pleins de flaques d'eau. Le ciel est surchargé de ces nuages épais et bas, qui font paraître plus magnifique la verdure. La cam pagne des environs de Paris ressemble à ces étof fes fanées qui gardent des plis de fraîcheur ; maintenant ils atteignent un de cès endroits pré servés, une vallée verte "et feuillue, brodée de gly cines, où ils aperçoivent en passant un vieux toit, un vieux clocher, signes d'une paix qu'ils s'exagèrent, tellement ils ont envie de trouver du calme. Ils ont quitté la grand îfoute et, bientôt après, ils sont arrivés, ils s'arrêtent. Alors, dès qu'a cessé le bruit de l'auto, ils entendent les chants des oi seaux ; ces chants montent de la pente opposée, couverte de bois et parmi tant d'appels flûtés, de trilles, de roulades, se détache superbement l'hymne inventif où l'on reconnaît le virtuose, l'oi seau de génie, le rossignol. Le repas commandé, les deux compagnons font quelques pas sur la route ; un ruisseau les accompagne de son bruit copieux et frais ; toute la campagne est éperdument fleurie, une humble corolle jaune éclate de ses cinq pétales avec une majesté d'étoile. Le chant des grenouilles monte des prairies, il célèbre insolemment cet été gorgé d'eau, qui nourrit de grasses verdures. Parfois un des nuages traînants s'abaisse, oppresse les bois ; alors le chant inti midé des oiseaux s'affaiblit et celui des grenouil les se renforce. Le restaurant choisi est d'une simplicité authen tique et d'une modestie non fabriquée ; la cuisine y est honnête et le vin assez bon pour rendre plus gaie une jeune femme. Quand les deux dîneurs ressortent, la nuit s'est faite, toute la campagne repose dans une inertie étrange ; les feuillages res tent en suspens, un grand arbre noir éclate en si lence. On avance paripi des ténèbres inégales, le brouillard étalé sur une prairie plus basse en fait une sorte de lac ; on n'entend que la stridulation d'un grillon, amollie par l'humidité. Il y a dans le ciel d'immenses lagune^,,plus claires où quelques étoiles dilatées par l'air brillent comme les feux d'une navigation possible ; une auto passe sur la route en poussant devant elle un faisceau de clarté laiteuse, qui s'élargit en éventail. Quand elle a dis paru, j'aperçois à mes pieds une goutte de lumière verte qui signale un ver luisant. Cette confuse dou ceur, ces caresses aveugles de l'ombre, ces palpita tions de la vie où toutes les vies se sentent voisines, tout cela compose à l'âme un de ces bonheurs sans lignes, à la fois vagues et profonds, qui l'étonnent par la façon dont ils la comblent et la défont à la fois. Il n'est pas toujours agréable de vivre sur terre, mais il est toujours merveilleux de se sentir vivre dans l'univers. Abel Bonnard....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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