Extrait du journal
Il est des personnalités étrangères que Paris adopte comme siennes et auxquelles il confère droit de cité. Parmi celles-ci se trouve incontestablement, et par privilège d'hérédité, cette si jolie princesse Maud, fille cadette du prince de Galles, dont, le mariage récent et légèrement romanesque avec son cousin le prince Charles de Danemark passionna la haute société parisienne autant que si le jeune couple avait descendu les marches de la Ma deleine ou de Saint-Philippe du Roule. Or voici ce que nous racontait dernièrement sur la petite princesse — c'est ainsi qu'on la nomme — une grande dame anglaise de pas sage à Paris, professional beauty attitrée de Londres, c'est-à-dire personnage presqueofficiel. On est très étonné dans la haute société britannique de l'absence prolongée de la prin cesse Maud, qui devait rentrer en Angleterre avec sa mère et sa sœur, mais n'a pas paru depuis longtemps à la Cour. Les uns parlaient de maladie, d'autres, mieux renseignés peutêtre, donnèrent de, cette absence des raisons pour la compréhension desquelles il nous faut remonter tin peu en arrière dans l'histoire de ce mariage princier. S'il faut en croire les conversations de la c gentry » londonnienne, une fois, de plus se trouvera confirmée la mauvaise opinion que professait le vieux Montaigne sur les amours de Cours, toujours illégales ou bien doulou reuses. , Et il paraîtrait que les beaux yeux de la pe tite princesse, ces yeux que nous avons ad mirés dans tous nos journaux illustrés, ont pleuré dès leur arrivée à la Cour du roi Chris tian IX, le souverain ayant reçu sa nouvelle belle-fille avec une froideur à laquelle la pau vrette n'avait point été habituée. Son crime, on le sait, consistait à avoir été épousée contre le gré de la famille de son mari auquel on avait voulu imposer une alliance avec la jeune reine de Hollande. , Le prince Charles, en vrai prince Charmant qu'on dirait échappé de quelque conte de Per rault,'resta, fidèle à son amour et, furieux: con tre ceux qui osaient chagriner celle qu'il ado rait, résolut de quitter à jamais son pays et sa famille. •, Hélas ! le temps n'est plus où; les princes «beaux commele:jour»s'en allaient;emportant leur belle sur la croupe de leur coursier; aujourd'hui, ils doivent se soumettre aux ter ribles exigences protocolaires et militaires. C'est alors que le prince Charles adressa une demande à la reine Victoria à l'effet d'obtenir son passage immédiat dans la marine britan nique, avec le grade de lieutenant de vaisseau, qu'il possédait dans la marine danoise. Une simple mutation, quoi ! Cette démarche fit grand bruit à Copenhague où les journaux la désapprouvèrent en des termes qui laissaient clairement voir qu'elle avait été entreprise sans l'approbation du roi Christian. La reine Victoria, en souveraine essentielle ment constitutionnelle, se borna à envoyer la demande de son petit-fils aux lords de l'Ami rauté, aux fins d'examen. Mais la solution se faisant attendre,le prince, à bout de patience, envoya carrément sa dé mission au ministre de la marine danoise et cette démission fut refusée pour les raisons suivantes : c Le prince Charles, considéré comme un officier ordinaire, ne pouvait entrer dans la marine britannique qu'après avoir rempli tous ses engagements envers la flotte danoise. » Ce n'est pas tout : l'adjudant du palais, qui apportait au lieutenant le refus de sa dé mission, lui remettait en même temps un ordre lui prescrivant de garder les arrêts dans son palais où il est en quelque sorte prisonnier avec sa charmante femme. Telle serait la raison pour laquelle la prin cesse Maud, mise elle aussi aux arrêts, ne peut plus reparaître à la Cour d'Angleterre. Tout en laissant à notre aimable interlocu trice la responsabilité de cette nouvelle, il nous a paru curieux d'ajouter ce feuillet au chapitre des Rois en exil. L'épisode, romanesque à souhait, vous a un petit parfum moyenâgeux qui rend encore plus intéressante la jolie princesse prisonnière. On peut se la représenter écrivant, lamenta blement triste, ses pensées, dans la tour du Nord du lugubre château, car il ne faut pas oublier que la femme du prince Charles prend rang à côté de Carmen Sylva comme souve raine littéraire. Elle est aussi auteur dramatique. Ne nous étonnons donc pas si, un de ces jours, paraît, signée de trois étoiles, une comédie—ou peutêtre un drame — intitulée : Amour et Diplo matie. Jules Chancel....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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