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Le Figaro, 8 janvier 1934

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Le Figaro
8 janvier 1934


Extrait du journal

Le dîner a été longtemps, en France, une institution bourgeoise si respectée que l'idée ne venait point, hors de graves circonstances, d'en modifier l'heure. Le théâtre même avait rarement ce pouvoir. Aussi commençait-on presque toujours par un lever de rideau que voyaient seulement les amis dévoués de l'au teur. Et les abonnés de l'Opéra se mettaient souvent à table au moment même des pre miers accords du Prophète ou de l'Africaine. Exception faite pour les représentations de Wagner. Aujourd'hui, la liberté de la soirée a été reconquise. C'est un bien, dans un sens. Et c'est aussi un signe des temps. L'heure du dîner a perdu cette belle exactitude qu'elle avait sous la lampe des suspensions, parce qu'on ne pense qu'à réduire le temps où l'on restera chez soi. Les « cocktails » se pro longent indéfiniment. Il arrive aussi qu'on aille au cinéma entre sept et neuf heures. Le cinéma, il est entré dans les habitudes pour nombre de personnes, un-peu à la façon de la fumée de tabac. Il a ses fidèles, qui en abusent parfois. Les autres, ceux qui pré tendent choisir, ne « fumer » que de très bons films, ne semblent pas toujours très bien comprendre son attrait. D'abord, dans l'exis tence agitée d'aujourd'hui, .il représente un repos. Les fauteuils y sont confortables. On y installe de plus en plus ceux qu'on nomme des « clubs >. Puis, tout le mouvement est sur l'écran. On regarde tourner la terre. Voici le désert et ses sables ou bien les larges rivières de l'Amérique. Le vent passe à tra vers les hautes herbes et sur les eaux. On suit aussi toute la mobilité des expressions sur de charmants visages. N'approche-t-on pas, plus qu'au théâtre, la beauté des femmes ? On nous dira, peut-être, que cette beauté est souvent l'effet d'habiles jeux de lumière. Mais il n'importe. Le cinéma attire les isolés. On y rencontre aussi des groupes de jeunes gens et de jeunes filles, puis de vieux ménages. Il y a le public des cinémas d'exclusivités, celui des cinémas de quartier. Que de gens sont ainsi dehors tous les soirs ! L'ennui est un mal qui s'est aggravé ou qu'on supporte moins. Il faut bien reconnaître qu'il n'était pas absent de réunions où reve naient d'éternels petits sujets de conversation et où toute la distance qui sépare souvent les générations jetait un froid. Mais ne faudra-t-il. pas, pour le combattre, doubler la dose des distractions ? Où en viendra-t-on ? Et n'était-il pas plus sage de compter parfois sur sa propre ingéniosité ? Georges de Lanris....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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