Extrait du journal
Ces belles plages qui se tiennent à droite et à gauche de Sainte-Maxime, et le vieux port pittoresque même, les voici bouleversés par la tempête et le raz de marée, encore limoneux et tout encombrés de tas épais et visqueux d'algues et de varech, une sorte d'ourlet végétal, la longue chaîne d'andains marrons et bruns des prairies de la mer. - 'Je le rêvais, le port aux blanches façades plates, ces hautes murailles percées de rares fenêtres, le village des pêcheurs qui a su ré sister. Il fut bâti selon la règle de l'expérience. Les marins «connaissent de longue date- la me nace des eaux sournoises. S'ils n'en ont pas vu déjà le tragique assaut, les récits de leurs pères leur apprennent à en redouter la vio lence. Ils se _méfient. Mais les hommes venus de loin, pour leur délassement, avaient ouvert sur la mer les grandes baies de leurs demeures. Ils tenaient ainsi dans leurs yeux le double azur, la cour bure des côtes, les pinèdes et les monts des Maures . : c'est un enchantement. Cependant les grandes baies, dans quoi se peint le si beau spectacle du monde, ne manquent pas de fra gilité ; le dur flot les met en pièces. Que sont-ils devenus, eux aussi, les plon geoirs et les pontons de bois où nous allions d'un pas heureux, voici moins de deux semaines, sous un azur immuable et qui nous paraissait éternel, tant nous mettons de hâte à nous emparer de ce qui nous contente ? Qu'est-il devenu le trois-mâts vert aux voiles ocres qui nous faisait penser aux bateaux des forbans ? Il était pourtant bien pacifique, chargé de rondins de bois. Mais pour si peu qu'ils aient d'imagination, les pauvres mortels ont tout de suite l'illusion de vivre dans un double monde. Et qu'est-il devenu, le petit temple tout blanc posé sur le promontoire de Beauvallon, et qu'on appelait, je ne sais • trop pourquoi, le Temple d'Amour ? Je serais bien surpris si Neptune, à défaut d'Amphitrite, ne l'avait épargné. Les gens de Paris sont repartis. Ils mettaient, sous ce ciel africain et sur cette bande de sable, la folle animation de leurs jeux, la bi garrure de leurs maillots et la couleur inva riablement brune de leurs épaules. Ils ruaient d'allégresse, ils éclataient de cris. Les auto mobiles s'alignaient sur la place du Casino comme devant l'Opéra. On voyait filer les aquaplanes ; et, jusqu'au moment où ils pi quaient du nez dans l'eau, les virtuoses de ce sport avaient l'air de mener leur bateau comme le cocher de Rome menait dans l'arène un quadrige. Un jour on avait vu monter à l'horizon un quatre-mâts toutes voiles dehors, un corsaire aussi beau que dans les estampes, et qui était un dancing. La nuit s'emplissait de musique. On avait oublié le quotidien de la vie. Et la tempête vient. Elle dure trois ou quatre heures et rétablit en ce court laps de temps le règne absolu de la nature. Elle détruit les cabines ; le casino se lézarde et menace de s'effondrer ; dès le lendemain les dernières villas sont closes, les derniers baigneurs sont partis. Maintenant le rivage, de nouveau hanté par les mouettes, est repris par ce flot qui le bat avec tranquillité. La vieille solitude se reforme. Le vent d'Est siffle dans les pins. Seul, de loin en loin, passe un pêcheur ; il pousse sa barque et s'éloigne sous sa voile ; il est seul à bord et seul sur le golfe. Il s'efface dans un peu de brume. Déjà c'est l'automne. René Jouglet....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - beaumarchais
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