PRÉCÉDENT

Le Figaro, 8 septembre 1901

SUIVANT

URL invalide

Le Figaro
8 septembre 1901


Extrait du journal

sespérément défendu, emplissaient l'air d'une odeur de peste ; ils attiraient les chiens qui, dans les moments d'accal mie, s'assemblaient pour leur manger le ventre ; alors, les derniers temps, on tuait ces chiens du haut du mur, on les péchait avec un croc au bout d'une corde, — et c'était une .viande réservée aux malades et aux mères qui allaitaient. Le jour enfin où nos soldats entrèrent dans la place, guidés par l'évêque à che veux blancs qui, debout sur le mur, agi tait le drapeau français, le jour où l'on se jeta dans les bras les uns des autres avec des larmes de joie, — il restait tout juste de quoi faire, en y mettant beau coup de feuilles d'arbre, un seul et der nier repas. — Il semblait, dit Mgr Favier, que la Providence eût compté nos grains de riz,! Et puis il me reparle encore de l'ensei gne Henry : — La seule fois, dit-il,, pendant tout le siège, la seulefoisquenous ayons pleuré, c'est à l'instant de sa mort. Il était resté debout longtemps, avec ses deux blessures mortelles,. commandant tou jours, rectifiant le tir de ses hommes. A la fin du combat, il est descendu lente ment de la brèche, et il .est venu s'affais ser entre, les bras de deux de nos prê tres ; alors nous pleurions tous et, avec nous, tous ses matelots qui s'étaient ap prochés et qui l'entouraient. —. C'est •qu'aussi il était charmant, simple, bon, doux avec les plus petits... Etre un sol dat pareil, et se faire aimer comme un enfant, n'est-ce pas, il n'y. a rien de plus beau ? Et il ajoute, après un silence : — Il avait la foi, celui-là! Chaque ma tin, il venait prier ou communier au mi lieu de nous, disant avec un sourire : » — Il faut se tenir prêt. » .11 est nuit noire quand je sors de chez l'évêque, auquel je- ne pensais faire qu'une courte visite. Autour de chez lui, bien entendu, tout est désolation, éboulements, décombres ; rien n'a plus forme de maisons, et on ne retrouve plus trace de rues. Je m'en vais, avec mes deux serviteurs, nos revolvers et notre petit fanal ; je m'en vais songeant à l'enseigne Henry, à sa gloire, à sa délivrance, à tout autre chose qu'à l'insignifiant détail du chemin à suivre dans ces ruines... D'ailleurs, c'est si près : un kilomètre à peine.... Une bourrasque de vent de Mongolie, qui éteint notre chandelle dans sa gaine de papier, nous enveloppe de tant de poussière qu'on ne voit plus à deux pas devant soi, commé en pleine brume. Et, n'étant jamais venus dans ce quar tier, nous voilà égarés, au milieu des obstacles et des trous, trébuchant sur des pierres, sur des débris, des cassons de potërie ou des cassons de crâne. A peine les étoiles pour nous guider, tant cette poussière fait nuage, et vrai ment nous ne savons plus... Une odeur de cadavre tout à coup... Ah ! c'est notre découverte d'hier matin, la tranchée des scalpés 1 Nous la recon naissons à certaines pierres du bord, juste avant de tomber dedans. Alors.tout est bien, la direction était bonne; encore deux cents mètres et nous trouverons notre palais de verre, nous serons chez nous... Pierre Loti....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

En savoir plus
Données de classification
  • ranc
  • favier
  • albéric second
  • félix faure
  • abel combarieu
  • paul féval
  • de villemessant
  • paul gaulot
  • a. perivier
  • notis
  • paris
  • marseille
  • france
  • pékin
  • compiègne
  • vichy
  • dunkerque
  • toulon
  • buffalo
  • paul
  • la république
  • a la ménagère
  • com
  • parti radical
  • union postale