PRÉCÉDENT

Le Figaro, 9 février 1936

SUIVANT

URL invalide

Le Figaro
9 février 1936


Extrait du journal

II me semble que si j'étais le juge d'instruction chargé d'interroger le jeune Lavaux, criminel de dix-sept ans, je ne me contenterais' pus des questions ordinaires. Il n'est pas très efficace d'apprendre où ce jeune homme et son complice se sont pro curé un revolver : votre enfant peut s'en procurer un dans le premier grand magasin venu, et l'on trouve cela parfait. En tous les cas on n'y change rien. Non, ce ne sont pas les faits du crime que je voudrais connaître et qui ne sont, hélas, que trop apparents. Ce sont ses origines profondes. Nous, avons devant nous un garçon de dix-sept ans qui a déclaré un jour : «Je veux vivre mu vie ; je veux être voleur et me procurer de l'argent. » Il fait un pre mier cambriolage ; et puis il embau che un petit camarade de quinze ans, vole une motocyclette, simule une panne sur la route, arrête un automobiliste et lui tire un coup de revolver pendant que l'infortuné se penche sur la machine. « J'ai fermé les yeux pour tirer », avoue-t-il. Puis il les a ouverts, et comme l'homme n'était pas tombé, il a tiré un second coup. Cet aveu : « J'ai fermé les yeux », prouve du moins que ce n'est pas la brute complète, le criminel-né, mais un garçon qui avait organisé une aventure au-dessus de ses forces et qui a dû se tendre pour l'accom plir. Julien Sorel se disait, en regar dant Mme de Reynal : « Si dans cinq minutes je n'ai pas pris la main de cette femme, je remonte dans ma chambre et je me tire un coup de pistolet. » Marcel Lavaux avait dé cidé, lui aussi, de « vivre sa vie ». Il suivait sa décision, tout le prouve, jusqu'à ce petit complice qu'il s'était donné pour se donner à soi-même l'assurance de l'autorité. Sur la route, il a peut-être encore hésité. Des au tomobilistes sont passés qu'il n'a pas appelés ou qui ne se sont pas arrêtés (ce n'était pas leur heure!), et devant l'homme btnssé, il a encore hésité. Mais il a pensé à sa décision et il a fermé les yeux. Eh bien, cette décision, où l'a-t-il prise ? De quel atroce exemple est-il le disciple ? Quel est le moment où le poids des lois morales qu'on lui avait inculquées a été balancé par de nouvelles influences et quelles ont été ces influences, voilà ce que je serais curieux de savoir. Et d'abord, quel fut son maître ? Qui a formé cet esprit-là ? Je voudrais un peu connaître ce que pense le maître de son élève. Quelles ont été les croyan ces de l'enfant ? Quels livres a-t-il lus ? Quels films a-t-il vas '/ Quel journal lisait-il? Et quels magazines? Je ne laisserais rien dans l'ombre. Je dresserais une fiche minutieuse de cette perversion ; et peut-être qu'au bout du compte j'obtiendrais des éclaircissements utiles — et se persuaderait-on enfin qu'une mora lité sans obligations ni sanctions, que l'étalage du crime et la glorification par l'image du « banditisme sportif » à base d'auto et de mitraillette ne sont peut-être pas une cure de tout repos pour les sociétés. Guermanles....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

En savoir plus
Données de classification
  • barthou
  • régnier
  • herriot
  • chateaubriand
  • marcel régnier
  • mussolini
  • béroud
  • g. calmette
  • cabassol
  • a. capus
  • france
  • paris
  • londres
  • europe
  • rabat
  • aix
  • lyon
  • angleterre
  • belgrade
  • ankara
  • r. p.
  • parlement
  • ra
  • académie française
  • caisse des dépôts
  • mille et une nuits
  • club du faubourg
  • sénat
  • la république