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Le Figaro, 10 décembre 1908

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Le Figaro
10 décembre 1908


Extrait du journal

cle ? Est-ce que je te fais plus de ca deaux que. d'habitude? Enfhrî -y a-t-il' dans notre existence un seul d.es indices distinctifs et traditionnels à quoi l'on re connaît qu'un homme du monde trompe sa femme? Madeleine, secouant la tète. ,— Quand une femme appartient à un homme comme je t'appartiens, c'est à des signes plus mystérieux qu'elle sent son amour menacé... C'est souvent même à des nuances si légères, si subtiles, qu'elle est seule à les distinguer... C'est à une ombre qui passe dans le regard... à un sourire, à, une impatience... ou à un de ces pressentiments douloureux qui sont, pour celles qui aiment", de claires visions de l'avenir!... Salviére, allant à Madeleine et lui prenant la main, un peu agacé. — Al lons ! voyons!.,, en voilà assez!... Dismoi le fond de ta pensée tout de suite... dis-moi ce que tu veux me dire !... Si -tu sais ou si tu crois savoir quelque chose, parle franchement. Ce sera plus digne de toi et nous nous expliquerons. Mais ne nous énervons pas avec des sous-en tendus et n'essaye pas de m'attraper favec les petits pièges que j'aperçois der rière chacune de tes phrases. Crois-tu qu'Yvonne soit ma. maîtresse? Dis oui ou non, nettement. Je saurai au moins sur quoi te répondre. Madeleine.—Je n'en ai aucune prouve, et je n'en ai jamais cherché. La vérité, si je dois la connaître un jour, ce sera par le hasard ou par toi... Mais pour tant, ce dont je suis sûre, c'est qu'un homme, surtout un homme de ta valeur et de ta trempe, n'abandonne pas tout à coup, sans des raisons profondes, l'am bition de toute sa vie... et tu as refusé les propositions de Villerat... Comment je l'ai appris? Oh! peu importe... C'est un fait, ça c'est yn fait. Tu les as refu sées en dehors de moi et sans me consul ter... Et pourquoi, si ce n'est pas pour rester auprès d'Yvonne?... C'est l'évi dence... c'est l'évidence. D'ailleurs tu n'as jamais été attiré vers une femme comme vers celle-là. Oh ! ne le nie pas... Si tu le niais ça prouverait que tu ne t'en rends-pas compte toi-même, toi si clairvoyant ! Tout en elle t'intéresse, son caractère, ses malheurs, ou plutôt ses aventures, ses moindres gestes... Tu la trouves originale, vivante. Et elle? pen ses-tu qu'elle n'ait pas remarqué l'effet qu'elle produit sur toi? Elle ne sera pas longue à en profiter, sois tranquille ! Elle aussi, elle a changé. Ce n'est plus la petite "lille résignée et courageuse .que nous avons connue... elle est embusquée et.elle te .guette.., tu e.s le seul à ne pas t'en apercevoir... Mais tu es une proie joliment tentante pour elle ! Salviére. — N'en fais tout de même pas un prodige d'hypocrisie et de dissi mulation. Je t'assure que'tu exagères. Madeleine. — Oh ! tu la défendras tou jours, naturellement. Salviére, agacé. — Mais non, je ne la défends pas !.Que veux-tu que je te dise pour te rassurer? quelle est devenue une créature sans cœur ? une sale petite rosse ? qu'elle rendra malheureux tous les imbéciles qui tomberont entre ses mains? Je veux bien, moi, je veux bien, qu'est-ce que ça me fait? N'en parlons plus ! Veux-tu que nous cessions de la recevoir ? je ne demande pas mieux ! Madeleine, allant à lui, lui prenant le bran vivement. — Raymond ! Raymond ! cette femme te tient... j'en suis sûre... je l'ai deviné... Et tu en souffres ! oui... tu en souffres ! Salviére. — Tu construis un roman, je t'assure, ma chérie... Et avec quoi ? Avec rien, rien ! Madeleine. -- Oh ! tais- toi, tais toi!... Je te pardonne, quoi que tu aies fait... parce que je sais que tu as été entraîné, affolé... que tu n'as pas été maître de toi, et parce qu'il n'est pas possible que tu ne m'àimes plus,'n'est-ce pas? il n'est pas possi ble que je ne compte plus pour toi ! Ce n'est pas un égarement d'une' heure qui a pu te faire oublier tout ce qu'il y a eu entre nous... l'épouse que j'ai été, nos rêves, tant d'espérances communes, des années d'une intimité complète, sans une seconde de défaillance, sans se cret!... Ton bonheur, ton plaisir, c'est toute mon existence... ton égoïsme même n'a rien à me reprocher !... Alors, il faut m'écouter ; vois-tu, quand il s'agit de toi, je suis la compagne attentive et lucide qui ne peut pas se tromper. Eh bien! il faut que ' nous partions, que nous quittions Paris... Et tu sais bien que je ne dis pas ça parce que je tiens à être ambassadrice ? Ah ! Dieu non ! Mais ce que je ne veux pas, c'est que, tu te réveilles un jour, malheureux, et désa busé, avec l'affreux remords d'avoir man qué ta vie ! tu souffrirais trop ! Et c'est là que tu vas, tu le sens, si tu ne rentres pas dans ton vrai destin par un acte de j volonté, par un effort sur toi-même que tu me dois et que je mérite... Enlin ! enfin! entre cette femme et moi, tu ne peux pas hésiter... et s'il est nécessaire d'en sacrifier une, tu n'as pas le droit de me choisir!. Salviére. —Je n'ai à pas hésiter, je te jure... Tu es,tout pour moi. Je n'aime que toi... Je n'ai jamais cessé de l'aimer... Entre Yvonne et moi, il n'y a rien eu... rien... Tu me parles de la sacrifier... Ah! je t'affirme que c'est un sacrifice qui ne lui serait pas bien pénible, car je lui suis complètement indifférent... et moi, j'ai .eu peut-être, je le reconnais, une heure de tentation, de vertige... une espèce de curiosité vite déçue... et c'est fini! c'est fini ! Mais cependant tu as eu raison de me parler comme tu viens de le faire... Je traversais, depuis quelque temps, sans savoir pourquoi, une crise de dé goût, de paresse... de doute. Ma volonté devenait indécise... comme lointaine... Tu m'as dît ce qu'il fallait me dire, et au moment où mon esprit avait besoin d'une forte et loyale influence comme la tienne. Et tu as été, une fois de plus, celle qu'on trouvé a'ux heures décisives de la vie et qui vous donne les conseils du cœur... Va, je t'aime! {Il la prend...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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