Extrait du journal
Il est onze heures. Il a déjà fait trois réunions dans la soirée. Chaque fois qu'il descendait de la scène ou de l'estrade, une équipe de soigneurs l'attendaient pour lui mettre son chapeau, son pardessus et le conduire en auto vers quelque autre endroit, où il devait prendre la parole. Pour la dernière fois de la journée, il va tenir tête à une assemblée d'électeurs mais aucune lassitude ne se lit sur son visage. Il est fort, il est robuste, il porte sur ses traits la santé et la bonne humeur. Il est le lut teur pour qui chaque victoire est un stimu lant. Henry Paté se lève. Son tour de parole est venu. L'assistance, qui a déjà écouté onze discours, paraît être au bout de ses forces. Elle baisse la tête. Les semelles confient au parquet leur fatigue. Les chai ses s'agitent. Il règne jin murmure insup portable. Il faut rassembler ces esprits dispersés. Henry Paté s'y emploie. De sa voix chaude, bièn timbrée, il ramène d'abord l'attention de ses auditeurs comme un berger son trou peau, il concentre vers lui leurs regards. 11 est cordial, il est familier; il n'est pas le candidat qui vient briguer des suffrages, le charlatan qui vient faire sa réclame. Non. Il est l'ami, le conseiller, qui vous dit ceci ou cela plus dans .votre intérêt que dans le sien. Peu- à peu, l'assemblée est conquise par cette voix, par ce regard tout chargé de lu mière qui pèse sur elle. Un silence propice s'est établi. Elle écoute avec recueillement. L'orateur maintenant a senti l'influence qu'il exerçait. Le terrain est conquis, il ne s'agit plus que de l'exploiter et, par d'ha biles transitions, il passe des généralités à l'exposé de son programme. Mais, soudain, d'un coin de la salle, part une interruption. Puis, comme si quelque mèche subitement allumée reliait entre eux des engins explosifs disposés un peu par tout, un autre contradicteur se lève et un troisième et un quatrième. Ils sont bientôt six ou huit qui réclament des explications. Henry Paté leur fait front, à tous à la fois. Il semble un escrimeur qu'une bande d'en nemis acculerait contre un mur. Tandis qu'il pare d'un côté, il riposte de l'autre. Il se multiplie» L'un, il l'enferre sur sa pro pre attaque, et l'autre, il le désarme d'un mot. Il esquive, il embroche et dans ces heurts d'opinions, ce cliquetis de paroles, il garde son sourire, sa bonne humeur, sa courtoisie. Et quand ce Cyrano de la politique a pour fendu tous ses adversaires, quand il a ré duit à néant les objections qu'on lui pré sentait, sauté tous les obstacles dont on se mait sa route, il redresse sa haute taille, il panache, et, d'un grand geste du bras, il rallie' à sa suite tous les indécis, il enrôle sous son drapeau tous les prisonniers qu'il vient de faire. James de Coquet....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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