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Le Figaro, 11 février 1934

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Le Figaro
11 février 1934


Extrait du journal

L'écrivain, le plus souvent un traducteur d'images, trouve son meilleur auxiliaire dans l.i mémoire inconsciente du lecteur. Que don nerait le beau titre de < Gréco > si Tolède n'évoquait pas tant par soi-même et si telles descriptions que l'on y lit étaient appliquées à un village des Balkans ? Les mots prennent une valeur plus ou moins sensible selon l'objet qu'ils désignent. Comme notre adhésion et notre enthousiasme vont chercher loin leurs mobiles. J'y pensais, une après-midi un peu grise de la fin de l'été, dans la banlieue de Bude. Le Danube et Pest étaient partiellement cachés aux regards par de grands pans de murailles et des branches. Les vestiges des temps turcs, de petites maisons jaunes, que l'on détruit aujourd'hui, s'allongeaient dans un creux entre les replis successifs qui s'éloignent de la ville vers la plaine. Au bord d'une avenue large et plantée d'arbres, sans histoire et sans personnalité, anonyme, peu passante, un banc était logé entre deux arbres, devant un parapet. En contre-bas de cette avenue passait une ligne de tramway encaissée. Deux rails brillants, des tiges de fer noir mat, un ciel banal et nostalgique, un peu de pluie suspendue dans l'air. Un couple jeune était assis sur le banc. J'entendis un nom : Margit ! Avec l'heure qui s'avançait pleine d'ombres grises et le vent un peu plus fort, maintenant, sur cette hauteur ; devant le parapet de fer, les rails et, au delà des branches et des murailles, la grande ville étendue par delà les brumes du fleuve, ce couple songeur et mélan colique me rappelait intensément l'atmosphère froide et balayée des vents de la Lumière qui s'éteint ou de tels « Dickens ». Deux ou trois uniformes sombres passèrent sans se détourner près de ce couple triste. Un petit drame se jouait là sans doute et déjà l'Image S'offrait à la traduction. Mais ce n'était pas Londres, cette longue plaine grise aperçue avec ses églises ocrées et ses toits bas qu'elle porte jusqu'au bout de l'horizon où traînent quelques vagues fumées. Ce n'était pas Londres et l'Image était privée du reflet qui lui aurait le mieux convenu, tandis qu'elle aurait accroché après elle et retenu des lambeaux de souvenirs si elle avait eu à cet effet un meilleur cadre, plus usé, plus connu. L'évocation ranime des couleurs ternies. Encore ces couleurs doivent-elles exister. Tou jours, l'exil de Sénèque, dont on voit la tour jaunie en ruine sur la côte de Corse, fera penser plus rêveusement — parce que le site nous est plus connu — que celui plus âpre d'Ovide sur l'aridité du sable de la mer Noire. Et sans doute faut-il croire que les lieux « où souffle l'Esprit > sont ceux dont il a été beaucoup parlé. Henri-Jean Dnteil....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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