Extrait du journal

Si vous m'accompagnez, ce soir, monsieur l'étranger, je vous conterai, le long du chemin, l'histoire de mon oncle, Aguestarran le Borgne, qui fit fortune et en mourut. J'espère que vous la goûterez autant que vous goûtez cette liqueur anisée où des cristaux de sucre dessinent un petit arbre étincelant de givre. Aguestarran était parti très jeune du pays basque pour les Amériques. Penilant trente ans personne n'eut de ses nouvelles et personne ne s'en étonna. L'oncle ne savait pas signer son nom et les compagnons qu'il rencontra dans les pampas de l'Argentine n'en savaient sans doute pas davantage. D'ailleurs, c'était la coutume les cadets s'en allaient au loin et on n'entendait plus parler d'eux. Quand ils revenaient, enrichis ou plus gueux qu'au départ, ils retrouvaient leur place dans la maison des ancêtres. S'ils ne, reparaissaient pas, leurs frères vieillis faisaient dire quelques messes, lorsqu'ils sentaient la mort, approcher du seuil pour euxmêmes....