Extrait du journal

Ainsi s'explique cette fausse manoeuvre, incompréhensible de la part d'un marin aussi habile s'il eût été dans son assiette normale et en possession de la plénitude de ses facultés, manoeuvre qui ne fut exécutée par le commandant en second, après observations respectueuses, que la mort dans l'âme. Il restait à peine, entre les deux navires, une marge de 600 mètres, c'est-àdire un espace visiblement insuffisant aux libres évolutions de ces masses énormes que nulle puissance humaine ne saurait, une fois l'impulsion donnée, faire dévier de leur erre, avant, que la force d'inertie ne soit à peu près complètement épuisée. Mais le pauvre amiral, le sang aux yeux, les nerfs vibrants, la cervelle cuite, avait perdu, avec le sentiment du danger, la notion des distances. C'est en vain que son état-major "essaya de lui représenter que l'abordage était inévitable. Rien n'y fit, et l'amiral Tryon réitéra ses ordres avec une irritation croissante, n'admettant plus ni objection, ni réplique. Il dut bien y avoir alors, parmi les officiers mis en demeure d'aller aux abîmes, une seconde d'hésitation angoissée. Mais le fétichisme de la discipline finit par l'emporter. Ils obéirent. On sait le reste....