Extrait du journal

Je croyais avoir une idée complète de l'homme d'Etat et de l'homme privé : j'ai passé auprès de lui les jours lumineux et les jours sombres. Je revois son visage taillé à la hache, son regard « en dedans» d'homme qui' réfléchit et qui balance avant de prendre une résolution; et puis, je revois son mouvement d'épaules, comme d'un soldat chargeant le sac, quand la décision est prise et qu'il faut franchir l'étape ; je retrouve sur sa physionomie tourmentée le large sourire, j'oserai dire candide, du lutteur au repos. J'ai vu son beau courage quand, dans une soirée sinistre, sortant de la « séance de Lang-Son », il traversait la foule aux yeux injectés, aux poings tendus, lui hurlant sous le menton : a A l'eau, à l'eau ! », tandis que, seul, et voulant être seul, il suivait, lentement, à pied, le pont de la Concorde pour aller porter la démission du ministère à l'Elysée. Je sais ce que valut l'homme d'Etat] fai connu ses desseins, ses doctrines, ses méthodes, sa volonté active, son calme imperturbable, son énergique « tu n'iras pas plus loin !... »...