Extrait du journal
On connaît le musicien, on ignore l'homme. L'œuvre, qu'on l'aime ou non, qu'on en raffole ou qu'on la dispute,nous savons tous ce qu'elle est; en partie du moins, une moitié à peu près de ses partitions ayant été exécutées sur nos scè nes. De même, sa vie, nous ne la con naissons qu'à-demi. Le3 biographes ont pu agrémenter l'état-civil du maître ita lien, raconter son obscure origine, rap peler que lorsqu'il se présenta au Con servatoire de Milan, on lui déclat'a qu'il i>'avait pas la moindre aptitude pour la composition et qu'il ferait chose sage en y renonçant; nous dire comment sôn Nabucco\& plaça dès les débuts au rang des meilleurs compositeurs d'Italie, — car il eh fut un peu là-bas comme en France : sa musique y est entrée comme un coin dans le Bois. La Renommée hésitait à je ter son nom aux quatre vents ; il la força à bien jouer de sa trompette ; il la lui eut plutôt cassée sur le dos. Au surplus, que peuvent-ils savoir, les biographes, ae sa,vie intime, puisque d'après le précepte du sage, il la cache ? Seuls, ses amis, et il faut prendre ce mot dans sa plus haute et plus vraie expres sion, peuvent dire ce qu'elle est. Pour tous les autres, Verdi est « un ours » — Mal léché, ajoutent ceux à qui il porte ombrage. — Va pour l'ours. Mais avant dé nous risquer à lui demander la patte, commençqns par visiter sa cage. C'est lui-même qui l'a construite ; comme il s'est fait lui-même. Si le vieux cliché « l'enfant de ses œuvres » doit servir encore une fois, c'est bien à son égard. Cette fameuse cage est située au nord de la Péninsule, sur le revers de la botte, dans cette partie duterritoire, autrefois si morcelé, qu'on nommait le Duché de Parme et Plaisance. On trouve par là une petite bourgade, appe lée Busseto. où Verdi naquit, il y a eu de cela soixante-quatre ans avant-hier. Les débuts dans la carrière lui furent bien difficiles. Sans un Mécène qui devina en lui un maître, il n'aurait pas vu son opéra à la Scala. Mais si un premier succès n'enrichit pas, il ouvre au moins le che min de la fortune. Verdi, qui e;t bon marcheur, s'y engagea et le parcourut au pas gymnastique. Il se l'était promis, et 'iK avait fallu sa volonté de ter pour ne pas manquer à la promesse. Il peut dire, comme l'un de nos grands écrivains, parti lui aussi de bien bas en tant que fortune, et qui plus tard jongla avec les rouleaux d'or : Un jour on comprendra quelle lutte obstinée. A fait sous mon genou plier la destinée, etc. La fortune venue, le musicien replia sa tente et songea à se créer un intérieur plus stable. Il avait le choix; l'Italie tout entière lui offrait l'abri rêvé. Gênes-laSuperb-e, un golfe en amphithéâtre, où les blanphes villas semblent des perles enchâssées dans l'émail vert; Naples, les bords de sa mer d'émeraude sous un ciel de saphir;Florence, les collines aux doux contours, auxquelles les nuages du couchant viennent s'accouder pour l'ad-' mirer ; Venise, ses palais de marbre se mirant dans sa lagune sillonnée de gon doles, où seul notre costume est un ana chronisme. Aucune des grandes villes ne le tenta. Elles ne lui donnaient que la gloire et la richesse. Il préféra le modeste village qui lui avait donné un berceau. Il choisit Busseto. Mais où trouver, dans ce petit bourg, assez de terre pour s'y promener à l'aisé? Qu'à cela ne tienne. Il alla un peu plus loin , très peu , et aperçut une vaste étendue de terrain, à peu près inculte. C'est là ! se dit-il. Il l'acheta et commença par y bâtir une villa. Puis il ajouta un jardin à la villa, un parc au jardin, des prairies au parc,des Dois aux prairies;et parsema le tout de bonnes' et belles formes. Je crois qu'il en mit autant qu'il a écrit d'opéras!,. Il avait lu dans Virgile que les agriculteurs seraient bien heu reux s'ils connaissaient la richesse de leurs biens : Sua si bona norint. Il pensa fjue si Virgile avait pu sans déroger s'oc cuper d'œuvres rurales en faisant des vers, il pourrait, lui, suivre son exemple en faisant de la musique....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - humbert
- virgile
- rouher
- verdi
- curmer
- clairville
- egrot
- chaudey
- edmond lepelletier
- taine
- sarcey
- paris
- france
- italie
- auch
- douai
- le pô
- busseto
- passy
- versailles
- bt
- drouot
- verdi
- tho
- la république
- parti radical
- cail
- parlement
- m. j
- académie française