PRÉCÉDENT

Le Figaro, 12 janvier 1935

SUIVANT

URL invalide

Le Figaro
12 janvier 1935


Extrait du journal

M. Marchandeau, ministre du commerce, vient de déposer le projet de loi que Je président du Conseil lui-même avait an noncé dans sa déclaration aux Chambres, pour discipliner l'industrie en période de crise. D'après ce projet, toute entreprise appar tenant à une branche de l'industrie que menacerait gravement la crise économique, serait obligée de se soumettre à un accord avec les autres entreprises de la même pro• fession, dans le cadre national ou régional, pour, remédier solidairement aux difficultés, en particulier pour limiter la production et trouver des moyens financiers. L'accord professionnel ou corporatif, ainsi prévu, deviendrait obligatoire après que les représentants des deux tiers de l'industrie ,en cause l'auraient demandé et qu'un comité d'arbitrage, à instituer par le gouvernement, se serait prononcé en ce sens... Par là, nous arrivons à l'étape corpo- jative ,da. la révolution économique qui a - commencé depuis quatre ans. L'Italie, l'Allemagne, les Etats-Unis, l'Angleterre sous certains aspects et la plupart des autres pays industriels y sont arrivés bien avant nous. L'originalité de la France est d'y arriver, avec le gouvernement de M. Flandin, sous l'enseigne du libéralisme écono mique. Cette étape était inévitable, sous n'im porte quelle enseigne. Les nécessités de fait qui la commandent demeurent indifférentes aux formes politiques comme aux expédients techniques, y compris les expédients moné taires. La crise développe ses effets depuis qua tre ans avec la rigueur d'une expérience de physique. Elle a, d'abord, renversé toutes les positions spéculatives à la hausse, res treint les crédits, paralysé une partie des échanges. Ce fut la première étape. Les échanges étant réduits de plus en plus, cha que nation a voulu réserver son propre •marché à ses seuls producteurs : on y a réussi par toute sorte de moyens, tarifs de douane prohibitifs, contingents, dévalua tions des monnaies, restrictions des paie ments, etç, ,Ce fut la deuxième étape. Les niarchés'une fois fermés et isolés, le volume des échanges a encore diminué par la perte des revenus du commerce international. La concurrence est devenue féroce, non plus, entre les producteurs des différents pays, mais, à l'intérieur de chaque pays, entre les producteurs de ce "même pays. D'étape en étape, la sélection a pris un caractère plus implacable. Mais la sélection économique des plus forts au détriment des plus faibles ne peut jouer indéfiniment, elle n& peut même jouer loyalement, dans le. cadre politique et social de notre civilisation. Elle ne peut pas jouer indéfiniment parce que toute entreprise qui tombe, condamne eh tombant ses employés, ouvriers, fournis seurs et actionnaires à la misère. A mesure que la catastrophe s'étend, l'Etat se trouve contraint, par des raisons politiques et so ciales d'ordre public, de soutenir artificielle ment les entreprises ou d'en secourir les victimes. Il prend ainsi les faillites à sa charge. Mais comme le nombre des failli tes augmente et que les ressources publiques diminuent, l'Etat ne saurait continuer à prendre des faillites à sa charge sans faire faillite lui-même et ruiner tous ses nationaux. La sélection économique ne peut pas, non plus, jouer loyalement dès lors que l'Etat, en dispensant les entrepreneurs fail lis de subir les charges de leur faillite, leur confère un privilège de fait contre les entre preneurs qui satisfont à leurs engagements. A partir de ce moment-là, il n'y a plus qu'un moyen de concilier le salut financier de l'Etat, les nécessités politiques et socia les de l'ordre public et l'assainissement de la production. Le moyen consiste à charger la corporation ou la profession elle-même de sa propre remise en ordre, à ses risques et périls, par des pouvoirs spéciaux qui lui sont délégués sous le contrôle et avec la sanction de l'Etat. Nous en sommes là. Quels périls faut-il éviter ? Les périls sont dans les abus de pouvoir éventuels de la corporation, d'une part, et de l'Etat, d'autre part. L'abus le plus simple de la part de la corporation serait de fausser arbitrairement les prix de vente en alignant les prix de revient des bonnes et des mauvaises entre prises. Un abus plus redoutable consisterait à empêcher l'installation d'entreprises per fectionnées, à briser les initiatives et les in ventions nouvelles. Un troisième abus serait que la corporation se transformât en trust financier sous la garantie empruntée et illu soire de l'Etat. Le régime en question suppose donc un contrôle rigoureux, discret et absolument indépendant de la part de l'Etat. Un con trôle non intérieur, mais supérieur. Si les hommes politiques et les fonctionnaires en traient dans les affaires de la corporation sous prétexte de [a contrôler, nous irions à des collusions et à un désordre sans nom, qui ne pourraient plus être corrigés que par , une réaction brutale de l'intérêt public, c'est-à-dire la dictature. Il est préférable, nous semble-t-il, de ne pas courir à une telle...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

En savoir plus
Données de classification
  • edouard herriot
  • montillot
  • flandin
  • truchot
  • hitler
  • poulner
  • bonnin
  • andré siegfried
  • vuillermoz
  • saint-granier
  • dijon
  • sarre
  • paris
  • reich
  • montbard
  • france
  • thomas
  • lei
  • pasques
  • strasbourg
  • banque de france
  • instituts d'émission
  • education nationale
  • ambassade de france
  • journal officiel
  • faculté des sciences de strasbourg
  • r. t.
  • fédération de la seine
  • alliance démocratique
  • parlement