Extrait du journal
Dans cette auberge basque où les vacances ont réuni quelques personnes qui s'ignoraient hier et qui ne se rencontreront peut-être plus jamais, nous avons imaginé de jouer à la course à l'œuf. Nous faisons ainsi le tour du jardin, et parfois sur un seul pied, en sautant par-dessus tous les petits tabourets de la mai son que nous avons transportés dans les al lées. — Et l'œuf ? — Il ne faut point le laisser tomber. H est posé sur une petite cuil lère que chacun des coureurs tient au bout de ses doigts. La règle veut qu'on use de cuil lères à café ; mais une grosse dame, qui pré tend qu'elle est myope, a pris une louche. Elle fait d'ailleurs de tout petits sauts et toujours à côté des tabourets. On a dû suspendre le jeu et nul ne s'en est plaint, car à fait au soleil une chaleur si grande qu'au terme de la course nous rapportions tous des œufs durs. Un contrebandier qui, toute la journée, nous conte ses aventures et que nous entendons ron fler toute la nuit, d'où l'on déduirait aisément qu'il en est rendu à l'honorariat, a tiré de sa ceinture un cornet et deux dés, et voilà les œufs oubliés. Je ne sais commeil fait, mais il gagne à peu près à tout coup et, parfois, de son cornet, où il a mis les deux dés, nous en voyons sortir trois. Nous nous étonnons. Mais il répond en interrogeant : — « Oui ou non, croyez-vous au hasard ?» Et il nous mon tre que les pouvoirs et les combinaisons du destin sont infinis. — « Monsieur, lui a dit la dame myope, si nous fourrions en un cor net une chatte et un chat, il en pourrait peutêtre jaillir, à quelque coup, le même couple augmenté d'un petit chat. Mais les dés ne vivent pas ni n'ont point de progéniture, s Elle a mis les deux dés dans le cornet. — « Re muez bien », a dit le filou, et il à pris le cornet, juste le temps d'un éclair, pour le mieux agiter, et l'a rendu à cette dame qui, le renversant, a vu roulçr non point deux, ni trois, mais quatre dés sur le tàpis. Elle a fait un grand soupir où l'on démêlait quelque béati tude. — Il nous faudrait, dit l'un de nous, un cor net transparent, et il prit son verre. Mais il lui vint aussitôt l'idée d'un autre jeu. Nous fîmes apporter une cruche
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
