Extrait du journal

La démocratie est, jusqu'à ce jour, une aspi ration et non un fait. Èl'le est encore « un monde, non parcouru, dont l'horizon recule de plus eu* plus à mesure que nous avançons ». Ce que nous avons achevé, c'est une charpente de gouverne ment, ce qui est tout différent d'une société dé mocratique. Nous avons perfectionné le méca nisme du gouvernement par le peuple, et le dan ger qui s'offre maintenant est qu'il peut être saisi et exploité par des moyens antidémocra tiques. Au nom du peuple souverain, des actes peuvent être accfimplis qui s'offrent aussi cruels que ceux qui furent perpétrés par les tyrans grecs ou les despotes du moyen âge. Il est facile, terriblement facile, à ceux qui sont au pouvoir de confondre la justice avec les intérêts dès forts, mais l'oppression exercée par la majorité sur la minorité est tout aussi hideuse. Je vais considérer maintenant, et de plus près, quelques-unes des tendances politiques du temps présent, sans pour cela éprouver le be soin de déclarer que je Je fais non point comme le chef d'un parti mais comme un spectateur qui prend du recul pour contempler l'arène où la bataille est en train de se livrer. Aujourd'hui, les amis comme les ennemis du gouvernement par le peuple estiment que so.n avenir est incertain. Ce genre de gouvernement a perdu du terrain récemment dans un si grand nombre de pays qu'il semble, selon certains, que le monde n'échappera pas au mouvement cir culaire qui mène du despotisme à l'oligarchie et de l'oligarchie à la démocratie pour revenir au despotisme. On dit que la démocratie demande trop à l'intelligence,, à l'énergie et à l'honnètete du commun des mortels. Le peuple ne voit pas où se trouvent vraiment ses intérêts. Il faut les lui indiquer et l'y conduire. Si-vous nourrissez le peuple et si vous l'amusez, il se déclarera sa tisfait. Il est nécessaire de l'enrégimenter comme on le fait pour les soldats et les marins. 'Sinon, c'est le désordre pour la nation et votre politique étrangère va à l'écueil. L'impatience contre l'ordre des choses lei qu'il existe actuellement se développe de.plus en plus, mais c'est seulement dans les pays dé mocratiques que la voix de la critique se lève et parle haut. Dans les autres pays, la critique est supprimée et réduite au silence. Nous de vons supposer que tout le monde est heureux et satisfait, puisqu'on n'entend pas de protesta tions et que tous les journaux se montrent du même avis. L'impatience, quand elle s'exprime par la parole, jaillit de deux sources. Il y a des gens, à droite, qui réclament la force produc trice.. Ils la placent au-dessus de la liberté. Ils opposent les méthodes lentes et encombrantes du gouvernement parlementaire à celles, si heu reuses, des entreprises de grande envergure. Ils demandent la dictature de l'homme fort. Ils veu lent, non pas la démocratie, mais le césarisme:. D'autres, à gauche, se plaignent du contraire notre démocratie n'est pas assez largement pourvue. En dépit de tout notre mécanisme élec toral, le peuple, disent-ils, est impuissant, ses sentiments sont ignorés, ses demandes raillées. Ils demandent que le navire soit gouverné non pas par le capitaine mais par tout l'équipage. Ils veulent avoir le Peuple, avec un grand P, élevé sur le trône du pouvoir, et ils se disent que par la dictature du prolétariat la route conduira au paradis du Communisme. r * * * Ces deux courants de mécontentement se sont tellement gonflés qu'ils ont emporté et noyé la démocratie dans quelques pays d'Eûrope. Il y a aussi, en Angleterre, un courant de méconten-...