Extrait du journal

Cependant, tous sauraient vous dire de moi, avec le même, accent de vérité passionnée, que j'ai servi mon art aussi complètement, aussi hautement que je l'ai pu. Jamais, certes, on n'est tout à faitheureux de ce qu'on a réalisé. Quand je suis entrée dans la chère Maison que je quitte, on y prononçait, vous le savez, des vœux conventuels; on y renonçait effectivement à cette liberté des artistes qui peuvent aller, au gré de leur inspiration, d'un point à l'autre de l'art et du monde; on y obéissait à des rites, on s'y heurtait à des limites. Tout cela, je m'y suis astreinte avec un amour, avec un" respect qui m'ont voilé longtemps les accommodements permis; même, ils m'ont empêchée d'entendre les regretsque l'on m'exprimait pour avoir laissé dans le domaine immatériel bien des formes, bien des images que j'aurais voulu animer de ma propre vie. Mais l'assemblée, toute bruissante encore des fantômes évoqués tout à l'heure, m'atteste, et c'est une de mes eonsolations, que, s'il m'est resté des rêves à atteindre, ou du moins à poursuivre, rien de ce que j'ai accompli ne faillit une seule fois à ma conception la plus rigoureuse, la plus fière, de c"é que doivent être l'art et ceux qui le servent. Je n'ai rien réservé de mes forces pour mériter toujours d'être un lien frémissant entre la fou le .et ces multiples figures imaginaires qui ont emprunté avec mes gestes et mes larmes toute la chaleur de mon cœur; entre l'art et le public, j'ai sans cesse vibré, je me suis efforcée, sans repos, afin de maintenir le plus de beauté et le plus d'amour, et si je pouvais, en ces quelques lignes, dire à quel point je les ai aimés, comme ce serait peu...