Extrait du journal

Un jour de cette semaine, trois convives étaient attablés au Bon La Fontaine, rue de Grenelle : l'abbé Grozes, jadis aumônier de la Grande-Roquette, avait invité à déjeuner deux de ses anciennes connaissances, retour de Nouméa : l'un a été condamné pour de nombreux vols et abus de confiance à la Compagnie de Lyon ; l'autre a, en 1876, tué d'un coup de revolver un négociant, venu pour un règlement de compte. Les deux anciens forçats ont, sans retard, rendu visite à l'abbé Crozes, qui les a reçus comme de vieux amis ; on est allé manger au cabaret, car le bon vieillard n'a plus de cuisi. nier depuis qu'il est entré à l'infirmerie Marie-Thérèse, rue Denfert-Rochereau, asile pour les vieux prêtres fondé par Mme de Chateaubriand. Il n'est pas de criminel eondamné depuis 1840 qui n'ait, à l'expiration de sa peine, fait une visite à son bon ami, l'abbé ; le refuge où celui-ci s'est retiré ne désemplit pas. Toujours la même scène se renouvelle. L'abbé, les mains tendues, va au forçat libéré et l'accueille comme une brebis égarée qui rentre au bercail....