Extrait du journal

Le lendemain de l'arrestation de Ravachol, j'ai déjeuné chez un anarchiste pratiquant, dont la police venait de bouleverser la maison. Vous n'attendez point que je paie cette hospitalité d'une trahison. Je vous dirai seulemeat que le commerce de mon amphitryon lui est un prétexte pour réunir dans son arrièreboutique les fortes têtes du parti. Luimême est un peu le caissier de la confrérie. Il distribuait ce jour-là de petites sommes destinées aux familles des expulsés. Je lui ai vu donner une soupe et de l'argent pour le chemin de fer à la femme de ce perruquier genevois qui faisait la barbe aux chroniqueurs anarchistes. C'était une petite créature blonde et fanée qui avait un enfant à la mamelle. Il me parut que toutes les injustices sociales se résumaient pour elle dans ce désespoir : « Mon enfant a faim et mon sein est tari. »...