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Le Figaro, 15 août 1939

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Le Figaro
15 août 1939


Extrait du journal

CHRONIQUE LES MODES DE DEMAIN Par HENRY B1POU * t ous étions tous penchés sur l'Officiel. Nous n'y cherchions, pas les textes des lois, nL les ^ promotions. D'ailleurs ce n'est pas le même Officiel. Celui dont je parle est connu des'lectrices. C'est un ample répertoire des modes, qui paraît chaque mois. On y voit toutes les toilettes imaginables, portées par des figures élégantes et sveltes, telles que toutes les femmes seraient sans doute, si le péché originel ne leur avait un peu rac courci les jambes. C'était autour de ces'images un concert d'exclama tions. Chacun y trouvait de quoi rêver. Les jeunes fem mes considéraient avec plaisir la silhouetté qu'elles allaient avoir ; d'autres s'attendrissaient sur la silhouette qu'elles avaient eue. Il est vrai qu'il y avait des images pour tous les-goûts.-La plupart de ces,croquis s'évasaient dans le bas, et rappelaient la phrase de Dumas sur l'être qui se déguise tantôt en sonnette et tantôt, en parapluie. Nous entrons dans la période des soririettes, ou plus exac tement des abat-jour, ce qui 11e laisse, pas d'être flatteur. Une figurine portait même trois de ces • abat-jour super posés. « Tiens ! dit un amateur de théâtre, le Minaret / » Ces jupes emboîtées furent en effet, qui .de nous ne s'en souvient ? le principe de cette pièce. A quelques pages plus loin, nous vîmes, au contraire, une jupe'serrée aux genoux. « Ah ! dit quelqu'un, ma robe de mariage 1 » Et je me souvenais de ces robes liées comme des bouquets. Les femmes glissaient à petits pas, cagneuses,'en se fau chant gracieusement. Nous étions cependant un peu sur pris de voir dans le même mois toutes.ces modes réunies. Quelqu'un parla d'incohérence. Alors- le marquis d?Escraparon protesta. Ce bel homme à barbe blanche, avec-un grand-nez. à peine rouge, est l'auteur respecté d'une flore dù départe ment des Alpes-Sèches. Il feuilletait avec plaisir ce nou vel herbier, mais il lui était pénible qu'on supposât du désordre dans la nature. « Non, dit-il, les modes ne sont ni incohérentes, ni même capricieuses. J!admire au con traire leur suite sévère et fondée sur deux lois : l'évolu tion et la compensation. En 1900, les: jupes, soutenues par le menu peuple des jupons,- avaient, comme on dit, de l'ampleur dans le bas. Que pouvaient-elles faire • que rétrécir ? Du même coup, la place manqua aux jupons qui disparurent et qu'on n'a jamais revus. Là-dessus on remarqua que les jupes étroites gênaient la marche. On les fendit sur le côté. La guerre arriva, çt les hommeB firent campagne. Aussitôt les femmes raccourcirent leurs jupes, à cause des longues marches de leurs maris. Car elles sont bonnes épouses et elles ont l'esprit d'imitation. La paix survint et les jupes continuèrent à s'abréger ; on n'arrête pas si vite la nature. Ce n'est qu'au-dessus du genou qu'elles cessèrent de décroître, et par mutation brusque elles tombèrent d'un coup jusqu'au pied, j'en* tends pour les robes du soir. Cependant on vantait ces formes simples, convenables à l'esprit nouveau, si droit et si pur, des loyales camarades sportives de l'homme. L'Artisan de l'Univers fût-il agacé de ce rien d'affecta tion ? Mais la crinoline poussa hypocritement sous la jupe droite, comme un démenti. Et la crinoline, qui est en effet insensée dans nos mœurs, ne durera pas. Dès la saison prochaine, je vous prédis qu'elle se localisera en tournure. « Bravo ! » dit la dame bien informée. Mais déjà toutes se récriaient : « Dites-nous les modes de l'an pro chain ! » Je crus devoir appuyer cette requête. « Les savants assurent que la science n'est que la possibilité de prévoir. Vous avez tracé la courbe élégante des modes. Extrapolez maintenant. Déduisez ce qui sefa. » Le marquis me regarda d'un oeil noir. Puis il prit gaiement son parti. Il lui était doux de satisfaire ces belles suppliantes par une ingénieuse imposture. « J'ai dit, reprit-il, que la mode suivait la tendance naturelle de sa courbe, et qu'elle la corrigeait en changeant de signe. (Suite page 3, colonnes 1 et 2)...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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