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Le Figaro, 15 septembre 1875

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Le Figaro
15 septembre 1875


Extrait du journal

Comme nous l'avons dit hier, M. le co lonel "Willette s'est présenté dans nos bu reaux pour remercier M. de Villemessant de l'insertion de sa lettre et de la note qui l'a suivie. En s'entretenant avec le colo nel, M. de Villemessant a pu constater combien les faits qui avaient circulé au sujet de sa captivité étaient erronés. — A votre place, lui dit notre direc teur, je voudrais rétablir moi-même la vérité et expliquer que, loin d'être traité comme un colonel eût dû l'être, il s'en fallait de beaucoup qu'on vous ait donné du gibier, des huîtres, du vin fin et des plats sucrés pour votre dîner. Hier, le colonel "Willette nous a adressé, à ce propos, la lettre suivante, qui est une véritable bonne fortune pour nos Echos: Paris, le 13 septembre 1875. Monsieur, , Je pensais bien en avoir fini avec les recti fications, et pouvoir oublier le passé comme un mauvais rêve. Mais je ne puis pourtant, laisser s'accréditer cette idée que la con damnation que j'ai subie, ne m'aurait été appliquée que pour la forme et aurait été mi tigée par une certaine liberté relative. Permettez-moi donc de vous raconter, aussi brièvement que possible, les épreuves par lesquelles je suis passé; libre à vous d'en déduire telles réflexions que vous jugerez convenables, mais que je m'abstiens de for muler dans la crainte de ne pas rester im partial. J'ai été arrêté, le 10 au soir, dans la gare de Marseille et, après une halte d'une heure, dans le cabinet de M. le commissaire central, conduit en voiture par des agents en bour geois, au fort Saint-Nicolas où, d'après lé dire de ce magistrat, un logement m'avait été pré paré par les soins de l'autorité militaire. Je fus bien vite fixé sur la nature de mon nouveau local, et sa description, pour être courte, n'en sera pas moins d'une vérité ab solue. Cette chambre, située non simplement dans le fort, mais dans la prison militaire, se trouve au rez-de-chaussée et ne laisse rien à désirer sous le rapport clôture : barreaux, ver roux, caisse en planche à l'extérieur de la fenêtre pour enlever au prisonnier la vue de l'extérieur ; rien n'y manque. Je laisse de côté le délabrement de l'inté rieur, où les rats s'étaient créé le droit de circulation, pour ne m'occuper que du mobi lier dont suit l'énumération : 1° Une mauvaise literie posée sur une pe tite couchette en fer. Pour siège et pour table, un unique banc de caserne, 3° Une cruche pleine d'eau. 4* Un baquet dont vous devinerez l'usage, sachant que je ne pouvais sortir de mon ca chot. Je suis resté là cinq jours au secret le plus absolu, et je n'en suis sorti qu'entre deux gendarmes, pour être conduit a la prison de Grasse. Pour être juste, je dois ajouter que, sur ma demande, le capitaine commandant îa prison a bien voulu se priver, en ma faveur, d'une table, d'une chaise et d'une serviette, et mé faire acheter, pour ma toilette, une gamelle en terre. A mon arrivée à la prison civile de Grasse, j'ai été enregistré dans toutes les règles et fouillé; portefeuille, argent,, timbres-poste-, j'ai dû tout déposer au greffe. Puis j'ai été toisé, et, si l'on m'a épargné la recherche de mes signes particuliers les plus secrets, on ne m'en a pas moins fait sentir qu'à la rigueur on aurait pu m'y soumettre. Je ne dis rien de ma nouvelle cellule : c'était ce que l'établissement possédait de mieux ; j'y ai été enfermé dans les mêmes conditions qu'a la prison du fort Saint-Nicolas, c'est-à-dire au secret le plus absolu. Enfin, le dixième jour seulement, j'ai ob tenu la faveur de changer de linge. Si telle est l'incarcération à l'eau de rose, que doit donc être le carcere duro ? Je n'ose abuser en continuant une lettre déjà si longue; plus tard, si vous le désirez, je vous raconterai mon séjour au fort Lamalgue', bien que cet échantillon puisse vous édi fier suffisamment....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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