Extrait du journal
Les lycéens se plaignent de tra vailler beaucoup plus ' de quarante heures, par semaine et d'avoir l'es prit harassé. Ils ont vraiment trop de choses à apprendre. L'histoire des hommes s'allonge sans cesse avec le temps et les découvertes s'ampli fient avec leurs recherches. Par sur croit, nous avons une tendance à donner de l'importance à ce qui nous est proche, et nous introdui sons dans nos connaissances des gens et des faits qui seront expulsés, un jour ou l'autre, de l'attention de la postérité. Ils sommeilleront dans des archives qu'on n'ouvrira plus. Quelle figure feront, dans deux ou trois mille ans, nos présidents de la République : ils ne figureront même point dans les collections de timbres ou de monnaie *—■ survie de princes obscurs... Je comprends la révolte de ces adolescents penchés sur des livres dont les secrets, l'examen achevé, ne leur serviront jamais plus. Il est vrai que leur révolte était déjà la nôtre qui n'avions pas à apprendre tout ce que nous avons vécu ou s'est décou vert depuis lors. Et cette révolte était aussi celle d'Arthur Rimbaud, qui lui donnait cette forme écrite, dans une narration : « Je ne veux pas de place, déclarait-il, je serai rentier... Pourquoi apprendre l'histoire et la géographie ? De l'histoire ^ Appren dre la vie de Chinalpa et de Nabopolassar... et de leurs autres compères remarquables par leurs noms diabo liques est un supplice. Que m'im porte à moi, qu'Alexandre ait été célèbre ! Sait-on si les Latins ont existé ? C'est peut-être, leur latin, quelque langue forgée, et quand même ils auraient existé,, qu'ils me laissent rentier et conservent leur langue pour eux... » Le morceau est brillant et d'une: rébellion savoureuse. Mais le jeune rebelle qui mettait en doute l'authen ticité du latin, bientôt remporterait tous les prix de sa classe à Charleville. Cependant, il allait ouvrir, dans son existence, l'espace de la rêverie : Je-m'en allais les poings dans mes po[ches crevées... et rejoindre, à moins de quinze ans, une ivresse déambulatoire dont il ne perdrait plus le goût. Pour ce qui est d'être rentier, il n'en fut pas question. Et je ne pense guère qu'il en soit question pour les écoliers d'aujourd'hui — et qui se plaignent qu'on ne leur laisse plus aucun loisir. Leur plainte, justifiée, pose un problème de plus à notre époque : le problème du choix. Il faudrait nous déterminer à sacrifier délibérément ce qui nous est inutile, ou préjudiciable, à rejeter certaines connaissances, à détruire certaines découvertes. Savoir écarter : c'est le fin mot de l'art. Nous avons trop de respect. Nous nous encombrons de fétiches et de souvenirs ; et nous mourons lentement étouffés par nos créations. Guermantes....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - delmas
- hitler
- vincent auriol
- baurain
- jean
- abraham
- artus
- peyré
- saintpierre
- verdier
- france
- indes néerlandaises
- berlin
- montpellier
- angleterre
- londres
- java
- reich
- mary
- allemagne
- la république
- journal officiel
- parti socialiste
- syndicat national des instituteurs
- union
- comité d'organisation