Extrait du journal

De la ligne de feu. '« C'est le temps idéal pour une relève », dit le colonel, e* nous entraînant sur la route. C'est un temps sinistre. Les nuages de la pluie encombrent le ciel. Et pourtant, cette ombre sans fin doit contenir une pincée de blancheur quelque part : il est possible de deviner là-bas, à deux kilomètres, les masses sombres des deux bois où le bataillon fait la relève ; il est impossible à dix mètres de reconnaître les chemins de traverse où, tour à tour, chaque compagnie s'engage. Je vois bien où est l'idéal : les gros plans demeurent et le détail s'efface ; les fantassins sont invisibles et capitaines, lieutenants, peuvent s'orienter en gros avant même d'avoir trouvé aux coins de chemins ces petits paquets de silhouettes muettes, ces paquets de quatre ou six guides dont chacun va prendre une section comme par la main et la conduire sans paroles aux postes avan cés. Ah! ce piétinement dans la nuit, les deux files intermina:— ' Û Wcs de chaque côté de la routé, lorsqu'on a eu une fois cela dans les oreiLles, .est-ce qu'on est le même être ? Ce bruft: de pieds dans un grarid1 silence humain, ces silhouettes un peu informes, chargées, courbées, poussives., tout ce cortège d'ombres sans visages, chers bons gars derrière lesquels la France respire et vâ vivre et vivra... Les bons gars ont la consigne de marcher sur le côté de la route, sur l'herbe, sur la terre amollie par tant de pluie, où le pied enfonce, et c'est fatigant : sous les sacs, les armes et le bagage bien per sonnel, ils sont partis , au cré puscule du cantonnement. Cela fait déjà un bon nombre de kilo mètres. En avançant, ils « grat tent » sur la route. On 'a moins de peine sur la route de pierre que sur la terre niollé. Des pas...