Extrait du journal

Un radical {il est assis à son bureau, la. plume à la main devant une feuille de papier à lettres). —Je vais lui écrire, lui jeter .tout mon mépris au visage..: Il va voir...(Ecrivant) « Monsieur, en acceptant un poste du gouver nement actuel, vous avez trahi votre , parti. Vous avez déserté le combat... Vous avez abandonné vos frères d'armes... Tout cela pour gagner cent mille francs par an. Je vous maudis. » (Parlé,) Voilà qui est énergique..! (Réfléchissant.)Je me demande seulement si ce n'est pas exagéré. Est-il bien nécessaire de le maudire ? Au lieu de «je vous maudis », je vais mettre : « Vous avez eu tort. » (Il se dis• pose, à cacheter la lettre.) Il y a une expression que je pourrais peut-être atténuer... C'est «vous avez trahi ». Trahit-on vraiment son parti en acceptant une place de cent mille francs par an du ministère que ce parti a combattu ? Je suppose — car c'est toujours ainsi qu'il faut raisonner — je suppose que le cabinet Méline m'offre demain un poste de seulement vingt mille francs, par an. Je m'interroge et je me demande si je le ■ refuserais ? Peut-être oui, peut-être non. Ça dépendrait..... Mais il est probable qu'après réflexion je ne re fuserais pas Et, en , tout cas, si le poste était de cent mille francs, je n'aurais pas une seconde d'hésitation. Je le sens. Croi= rais-je pour cela que j'abandonne mes frères d'armes ? Non. Au contraire, je pourrais leur être utile, mettre mon influence à leur service, placer leurs fils dans l'administration. Je com mencerais par le mien dont je ne sais'pas quoi faire. Les professions sont si encombrées au jourd'hui!.. Tiens, j'ai une idée !... (Il déchire la lettre .et se met à en écrire une autres) « Mon cher gouverneur, en acceptant un poste du gouvernement actuel, vous avez donné un bel exemple de vertu civique et de patrio tisme. Je vous recommande mon fils dont le rêve serait de débuter, sous votre haute et sa vante direction, dans l'administration colo niale... Croyez, etc...» (Parlé.) Et j'irai demain lui porter moi-même cette lettré à la garé, â l'heure de son départ. Alfred Capus....