Extrait du journal

— Peut-on compter autant de civils que de prêtres tués ? — Davantage. — Quel est le rite de l'exécution ? — Fort simple. Il ne m'appartient pas à moi de terrifier, mais de tuer. Je laisse au condamné tout juste le temps de faire un signe de croix. — La tâche de terrifier appartient à d'autres ? — A ceux qui amènent « le type » ici, dans la bagnole. — C'est la raison pour laquelle on a choisi -cet endroit très éloigné de l'agglomération principale ? — C'est une des raisons. L'autre est qu'il ne faut pas « affoler » les sur vivants par des crimes commis sur place. Le prix d'une tête — Etes-vous rémunéré ? — Cinquante pesetas par « tête », plus vingt-cinq pesetas si je brûle le corps. — Dans quel cas le brûlez-vous ? •— Quand j'ai le temps. — En outre, vous êtes nourri ? — Oui. — A quel parti politique apparte nez-vous ? — A aucun. Je suis de la Faï (anar chiste) . — Mais vous approuvez tous les actes des miliciens ? — Je n'ai pas à les juger. Moi, je suis un fonctionnaire du peuple, com me ils en sont les soldats. Je fais la besogne pour laquelle on me paie. Un point, c'est tout. l£t le bourreau me quitta pour aller dîner. Il avait l'air parfaitement insou cieux des événements qui se dérou laient alentour, le pas tranquille de M. Deibler rentrant chez lui. Nouveau profiteur de la Révolution, il ne s'identifiait déjà plus à elle. Ainsi peut-être, dans quelques jours, les militants « rouges » pourront pré tendre qu'ils, n'étaient pas des bour reaux et les bourreaux dire... qu'ils gagnaient leur vie. Louis Chauvet....