Extrait du journal

Le sort a prononcé. La tombola de l'Opéra est tirée, — Il faut la boire, disait quelqu'un à M. Alphonse Royer ! — Mais à l'heure présente on se demande encore en quelles mains françaises ou étrangères, parisiennes ou provinciales, riches ou pauvres, fines ou calleuses, blan ches ou rouges, du monde ou du demi-monde, sont tom bées les faveurs de la fortune, les lots les plus désirés. Quelques petits lots se sont révélés, mais la plupart des gros lots gardent encore l'incognito. La curiosité publique veut percer le mystère ; la plu part de ceux qui ont gagné veulent garder l'anonyme. Avant le tirage, que de battements de cœur, que de vives émotions, et, depuis, que d'espérances brisées 1 Mais qu'importe 1 Ceux que le sort a trahis ont eu quelques jours d'espérance, et l'espérance vaut mieux que les lots gagnés. Il est du devoir de la chronique de parler de cette lote rie de l'Opéra. C'est un événement de notre domaine. Les bruits du lendemain ont déjà succédé aux émotions de la veille, mais pendant quelques jours, Paris ne s'est occupé que de cetle loterie et n'a pas parlé d'autre chose. En conséquence, je suis allé à l'Opéra et j'ai assisté à la distribution des lots qui s'est faite lundi et mardi. J'y ai vu quelques scènes originales. Le. tableau d'Ary Scheffer, donné par le roi des Belges, a été gagné par un des fils de M. Ferd. Provosl, l'ancien chanteur de l'Opéra. Ce jeune homme est huissier depuis quelque temps. Son père lui a prêté quarante mille francs pour parfaire le payement de sa charge. Le tableau de Scheffer va lui servir à s'acquitter envers son père ; ainsi il a gagné mieux qu'un tableau, il a gagné une étude. Il n'avait pris qu'un seul billet....