Extrait du journal
J'ai fait un rêve tout éveillé, comme il arrive à ceux que ne satisfait guère la réalité des choses présentes. Dieu, le Hasard ou la Fatalité, de quelque nom qu'on appelle la Force qui est au-dessus de nous, m'avait donné le pouvoir de régler à mon gré les destinées de mon pays. Je ne pouvais, il est vrai, rien changer aux hommes et aux ' choses. Mais j'étais maître de leur appliquer le système de gouvernement le plus apte, à mon gré, à les diriger et à les utiliser pour le bien et le bonheur communs. Et, pour éclairer mon choix, j'avais encore la faculté de lire dans les âmes, de connaître le fond des esprits, dégagés de tout préjugé, de tout intérêt, de toute passion de parti. Les grands artistes, les écrivains, les savants, les travailleurs, les soldats, tout ce qui est un peuple et non une foule, me laissaient „. connaître leur pensée « de derrière la tête ». Et je les entendais me dire : « Donnez-nous un tyran intelligent ! » La lassitude avait gagné tous les grands coeurs. La raison se sentait impuissante ; le dévouement inutile; les plus saintes espérances s'étaient changées en craintes. Quand la foi disparaît du monde,les sages et les poètes vont prier devant le temple mystérieux élevé par eux-mêmes au Dieu inconnu. Nous en étions là. La démocratie est, d'abord, une marée furieuse et déchaînée, se heurtant aux rochers et aux falaises qui l'arrêtent, et qui brise contre eux en donnant un spectacle sublime ; mais bientôt les rochers sont détruits, la falaise s'émiette en grèves,et le flot calmé se déroule plus lentement sur une plage de plus en plus plate à mesure qu'elle s'étend au loin. «Une démocratie mesquine, a dit Renan, est à sa manière une sorte de fin du charbon de terre, une fin de la chaleur morale et de la capacité de se dévouer, un épuisement des vieilles économies du globe. » Et, rêvant aussi, il voit dans l'avenir une humanité sans art et. sans vertus, ayant confondu l'égalité avec la justice, et se chauffant au . soleil, confite dans l'égoïste joie des 1 appétits matériels satisfaits. Encore y a-t-il quelque optimisme dans ce rêve lCar si la tempête a ses dangers, le calme plat du marécage a aussi les siens. La tempête vous brise : la plage basse et mouvante vous enlise. Mourir lentement console les individus, non les sociétés et les races......
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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