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Le Figaro, 18 décembre 1889

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Le Figaro
18 décembre 1889


Extrait du journal

LA IU11T£ VIE : LA VENDEUSE DE CHARITÉ Cé titre est d'un français douteux. Le moraliste s'en excuse. Mais il aime mieux être compris du public que par Lhomondi On dit : vente de charité. La vendeuse de. charité est l'instrument de la chose. Rôle cruel, ennuyeux, pénible. On se fait maudire par. tous les amis auxquels on écrit cette formule connue mais .odieuse : On sera reconnaissante de la plus légère offrande. Ne vous y fiez pas et si vous n'envoyez que cent sous, vous êtes un homme toisé. Monsieur n'aime pas que sa femme se mette ainsi en évidence et tape ses amis de contributions directes et indirectes; mais madame répond par ce mot : « C'est une œuvre de bienfaisance ! II s'agit de réhabiliter les demoiselles Car dinal ou de fonder une Société contre la tempérance. » Madame ment; madame poursuit un autre but. Elle veut être reçue chez la duchesse de... ou chez la marquise Un tel, qui sont l'une la présidente, l'autre la vice-présidente de l'œuvre charitable dont s'agit. C'est une façon de se faire ouvrir les portes du Paradis défendu. Pour parvenir jusque-là, madame ne re cule devant aucune platitude et elle vous sacrifie, elle vous charme, elle vous taxe, elle vous cote, elle vous impose. Vous avez pris une tasse de thé, un jour, à cinq heures, chez elle. C'est dix francs pour le rachat des demoiselles déliquescentes. Une tasse de thé, dix francs! 0 Tortoni !.. La chose est plus grave encore quand la.dame veut une boutique. Plus de pi tié, plus do merci. Cartouche et Man drin n'ont jamais été plus féroces. Ce sont « les chauffeurs » de la charité. <« C'est pour les pauvres ! » disent-elles. Point. C'est pour faire plus que Mme, une telle. . Il arrive souvent que la vendeuse de charité est à son tour tapée par une au tre vendeuse d'une autre charité. Il faut l'entendre alors tonner contre les amies qui abusent. Des philosophes ont remar qué, en cette occurrence, que générale ment les vendeuses ne contribuaient pas, du moins de leur poche. En somme, c'est logique. A chacun son lot. Celle-ci quête et reçoit, celui-là fait la grimace et paye. On ne cumule pas. Labruyère....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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