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Le Figaro, 18 décembre 1925

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Le Figaro
18 décembre 1925


Extrait du journal

Madame Durand est une Française moyen ne qui pratique les vertus d'ordre et d'écono mie qui avaient cours naguère. Elle a, de mère en fille, un bijoutier qui fut modeste et qui maintenant a si bien développé con (commerce qu'il est devenu • un joaillier- possesseur' d'un magasin somptueux dans yp quartier centrai. 1! n'est pas des premiers de sa profession ; il tient. aussi à sa clientèle ancienne,, mais les visites des Anglo-Saxons l'ont un peu gâté. Madame Durand a hérité de quelques bi joux de famille, parmi lesquels un bracelet un peu large. Désirant le faire ramener à son tou: de poignet, elle le mène chez son bijoutier, mais par une suite de circonstances diverses, elle y mène aussi et pour la première fois son mari. Monsieur Durand est un Français moyen qui pratique les vertus d'ordre et d'économie qui avaient cours naguère. Néanmoins, par la force des choses, ses af faires ont prospéré. Il a, comme on dit. du foin dans ses bottes, et depuis l'année dernière sa boutonnière est modestement enrubannée de rouge. Il fait bien dans un magasin, si bien que dès qu'il paraît chez le joaillier, ce bruit court de bouche à oreille, depuis la plus jeune ven deuse jusqu'au fondé de pouvoir et au patron lui-même : « Madame Durand a amené son mari ! » Que de sourires ! Ils éclaireraient la salle, s'il y avait une panne d'électricité. Ces demoiselles sourient. Le fondé de pou voir va jusqu'à eux et le patron empressé fait asseoir Madame Durand et son mari dans des fauteuils copiés sur ceux de Versailles. Le mé nage est un peu gêné. Il s'agit d'une si petite commande ! ' . ■ <■■ Madame Durand ose à peine mettre à nu le cas de son bracelet. L'indulgence est générale pour cette bagatelle. « Oui, oui. C'est entendu. Nous connaissons ce prétexte. Mais il con vient de passer, maintenant, aux choses sé rieuses. » Car depuis le patron jusqu'à la plus jeune employée, tout le monde dans le magasin sait bien que les Français moytns placent leurs économies en pierres précieuses. C'est si com mode à emporter dans une ceinture en cas de révolution. « Voici un solitaire de 35.000 francs, une perle que vous aurez pour 42.000. Ne faites pas attention à la monture. Cela n'a aucune importance. Préférez-vous des pierres brutes simplement étalées sur du papier de soie ? » M. et Mme Durand n'ont pas compris. lis s'en sont tenus, un peu ridicules, au rétrécisse ment du bracelet, et ils-sont sortis perplexes. « Pourquoi nous offrir tout cela, s'écrie Mon sieur Durand ! Comme si l'on n'avait pas déjà assez de mal à payer ses impôts ! » Pierre Soulaine....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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