Extrait du journal
' Mais pas plus que l'avare Achéron,la male-chance ne lâche pas sa proie. On vous a dit comment l'heure de l'adversité sonna de nouveau pour l'exilé volontaire ; comment la paralysie le priva de l'usage de ses mains; comment il essaya, pour vivre, de tous les métiers, même des plus infimes ; comment, enfin, il est tombé graduellement dans le dénuement le plus complet et le plus affreux. La lettre éloquente en sa concision qu'il a écrite à notre confrère Albéric Second, un de ses plus fidèles amis, et que vous avez lue "dans le Paris-Magazine, a fait comprendre au fond de quel abîme de douleurs avait roulé ce lutteur vaincu. Et comme, en définitive, si nous oublions vite, il suffit d'un mot pour révéiller dans nos âmes les fraternités endormies, aussitôt se sont émus tous les anciens camarades ; l'on a tout de suite sonné le tocsin et organisé la chaîne» — une chaîne d'or aux maillons solides. Le comité de la Société des gens de lettres, instruit de ces faits, s'est empressé de voter un subside. De leur côté, MM. Albéric Second et Auguste Villemot ont tout mis en œuvre pour que de prompts secours fus sent envoyés à celui qui -doit les attendre avec tant d'anxiété. On cite un seul des anciens amis de Lorde reau, un commerçant, qui leur a immédiatement adressé cinq cents francs. Et grâce aux soins des uns et des autres le rapatriement de l'émigré aura lieu dans les meilleures conditions. Voilà qui est bien, n'est-ce pas? Ehl bien, non,— répondent deux de nos confrères, non, ce n'est pas bien : il est louable sans doute de venir en aide à un homme de lettres malheureux, mais à quoi bon en in former le public? Réclame, dit l'un. Besoin de copie, dit l'autre. Ni ceci, ni cela, messieurs et chers confrères. Causons un. peu. Mon ami, M. Jules Richard, écrivait hier à ce pro pos : « La Société des Gens de Lettres avait le devoir d'être discrète dans ses bienfaits... et M. Auguste Vil lemot aurait dû ne rien dire du tout. Ce n'est pas un erime d'être sans le sou, la plupart de nous ont passé par là : nous avons trouvé des camarades qui nous ont aidés et qui ne l'ont pas crié par-dessus les toits, et cependant ils y allaient parfois de leurs propres de niers. C'est comme cela que l'on doit s'obliger dans une famille. Pourquoi donner de la publicité à des faits qui sont étrangers au talent littéraire de M. René Lordereau! » Pourquoi? Je-vais essayer de l'expli quer. Nul plus que moi ne rend hommage aux sérieuses qualités du chroniqueur de l'Epoque, dont la faculté maîtresse, comme disent nos philosophes, est le bon sens, la netteté de vue et de jugement. La thèse qu'il soutient est assurément fort juste en elle-même; mais s'il a raison absolument, il a tort dans le cas particulier dont il s'agit, et qui ne se présente que trop souvent parmi nous» Oui, sans doute, c'est avec une sorte de pudeur et de mystère qu'il convient de faire le bien, et la discrétion avec laquelle ou rend un service en double le prix; oui, sans doute, il est regrettable que l'on soit obligé de divulguer un6 infortune pour trouver les moyens de la, soulager, et il serait bon que la main droite ignorât ce que donne la main gauche. Mais, mon cher Richard, ces vérités générales et ce précepte évangélique ne sont pas de mise en l'espèce....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
En savoir plus Données de classification - mazarin
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