Extrait du journal

léger du vent dans les bambous, la case tranquille, la montagne boisée aux belles eaux, l'idylle primitive sous le ciel violent furent ses premiers, ses seuls instituteurs. Ils lui apprirent ce qu'on n'apprend dans nulle école. Us agrandirent, ils simplifièrent sa vue. L'absence de ville qui méritât ce nom , la rareté des habitants et la lecture d'Homère détermi nèrent les partis pris de son esthétique et de sa philosophie.Ils lui enseignèrent de bonne heure, et du premier coup, (Te qu'il n'eût appris que difficilement et tard dans le troublant tournoiement de nos cités. Il n'eût pas vu si vite ni si bien que toute forme immédiate est changeante, que tout passe et que l'es sence des choses mérite seule d'être chantée. Là aussi il aima pour la première fois — c'est sa seule confidence — et celle qu'il aima mourut dans sa « rose jeu nesse ». Tu t'en venais ainsi, par ces matins si doux, De la montagne à la grand'messe, Dans ta grâce naïve et ta rose jeunesse, Au pas rythmé de tes Hindous. Maintenant, dans le sable aride de nos grèves, Sous les chiendents, au bruit des mers, Tu reposes parmi les morts qui me sont chers, O charme de mes premiers rêves 1 Ferme et hautaine, une et grande dans sa simplicité, se suffisant à ellemême, on peut dire, d'autre part, que sa vie fut telle que son œuvre. Aucuns besoins que ceux d'une grande âme, aucuns désirs que ceux qui élèvent la nature humaine au-dessus des appétits et des passions vulgaires. Un peu d'eau et de riz pour nourriture, quelques feuilles de tabac pour se distraire et, pour vivre, de belles formes, de graves pensées 1 Il aimait les poètes et leurs entretiens, il n'aimait vraiment que ceux-là. Il n'a guère connu qu'eux, et ,de génération en génération, pourrais-je dire, car, dans ces derniers temps, il s'entourait des pMs jeunes et, parmi nous, des der niers venus. La jeunesse et les roses lui étaient une vue délicieuse. Il aimait la vie, mais peut-être goûtait-il encore mieux la mort. Jusqu'en ces derniers jours,il s'enentretintdevant nous avec quiétude. Lui aussi l'envisa geait comme une fonction de la vie. «Le corps meurt peu à peu et par » parties, son mouvement diminue par » degrés, la vie s'éteint par nuances » successives,et la mort n'est que le der» nier terme de cette suite de degrés, la » dernière nuance de la vie. » O cher et grand ami, vous vous plai siez à faire cette belle citation, en atten dant la mort sans crainte et. sans autre espérance que celle de la paix suprême. Il y a huit jours à peine, la dernière fois que nous vous vîmes, hélas! en nous annonçant votre départ,vous nous disiez que tout vous plaisait dans les lieux champêtres où vous vous rendiez, la retraite, le s beaux ombrages, ce Louveciennes,enfin, où avait respiré André Chénier,et qu'il y avait là, tout près du village, « un petit cimetière charmant » oà vous souhaiteriez prendre votre der nier. repos. Vous insistiez par pré voyance. «Mais ni soldats,ni discours », ajoutiez-vous en souriant. Vous ne vouliez pas vous mentir à vous-même, ô noble poète. Vous espé riez mourir loin des hommes et du bruit et sans plus les occuper de vous-même autrement que par les œuvres que votre génie leur a laissées 1 Robert de Bonnières....