Extrait du journal

vers le même temps, il y eut aus si des libertins et de vertueuses passions. A la vérité, l'amour prend à distance, dans l'examen que nous en faisons, l'expression que lui ont donnée les artistesLa peinture, le poème, le roman, le théâtre colorent les passions d'un temps, en livrent une ima ge que l'avenir accepte volon tiers comme un reflet fidèle des sentiments. Il est également vrai que ces représentations durent avoir une influence sur ceux-là mêmes qui en furent les témoins Mais on ne saurait finalement attribuer un nouveau visage à l'amour au gré des modes senti mentales. Car l'amour n'a qu'un visage. Naguère, je me promenais dans les vieilles rues d'une grande ville (c'était Toulouse, ville de poètes) en réfléchissant à l'in fortune de notre temps. J'étais bien obligé de constater qu'il n'était pas très inspirateur pour les cœurs de vingt ans. Et voilà qu'au détour de la rue, dans un recoin, je vis inscrits sur le mur, à la craie, ces simples mots : « — Ne m'attends pas. A de main ! » Je ne puis dire l'im pression de fraîcheur que m'ap porta cette inscription. Parmi tant de pauvretés anonymes qui se lisent en ce moment sur les murailles, ce rendez-vous diffé ré et redonné avait le charme d'un printemps. Une main jeune avait tracé ces mots dans les quels nous pouvions enclore, nous, les passants, toute la ten dresse que nous voulions. Om bre de l'amour ! Chère ombre... GUERMANTES....