Extrait du journal
liste, il y a déjà plus de quinze ans, je faisais une tournée dans l'arrondisse ment d'Ajaccio avec mon ami Eug-èns Etienne, député d'Oran, dont la famille est originaire de Corse et qui était venu nous prêter son concours. Nous arrivâ mes dans une petite commune, la com mune d'Afà où, après que nous eûmes rendu visite au maire,,au curé, à l'insti tuteur, à toutes les autorités du village, on nous prévint qu'il y avait une, autre visite à rendre. Un bandit renommé, le bandit Giacomorii, était descendu tout exprès du maquis et demandait à s'en tretenir avec nous. < Nous nous empressâmes d'accéder à son désir, et-nous nous rendîmes dans une maison isolée; un peu en dehors du* village, où .il nous attendait. Nous trou vâmes là un" grand bel homme à 'longue; barbe argentée, encore jeune pourtant, mais déjà vieilli parles fatigues, par la dure vie en plein air. Il nous raconta l'aventure qui l'avait Jeté au maquis. Elle était déjà ancienne, remontant à plus d'une douzaine d'années. Un jour, sur la place du village, il s'était disputé avec un camarade. Des gros mots on en était venu aux coups. Chacun des deux; hommes avait tiré son revolver et tous deux avaient fait feu en même temps. Giacomoni n'avait pas été atteint; l'autre avait été tùé. Aux assises, l'avocat n'au rait pas manqué; de . plaider la provoca tion, la légitime défense. Ce pouvait être une affaire de quatre ou cinq ans de pri son, • peut-être moins avec un peu de chance. Et il y avait douze ans que le malheureux tenait la campagne 1 Nous ne pûmes nous empêcher de lui en faire la remarque. Nous lui fîmes ob server que s'il s'était livré à la justice, sa peine serait sans doute finie depuis longtemps. ' — Je le sais, nous répondit-il. Mais,, à ce moment, je ne pouvais pas. J'avais un fils et une fille en bas âge. Ils se se raient trouvés tout seuls, sans appui. Ils auraient souffert de mon absence... -r- Mais vous étiez bien forcé de vous enfuir ! Vous ne pouviez pas rester au village... — Oui, dit-il, avec un sourire un peu triste, mais le maquis est.plus près que la prison... Enfin, maintenant,, les en fants, sont grands, ils n'ont plus besoin, de moi, et la vie que je mène' est trop pénible. Je veux me constituer prison nier, et je voulais- vous demander ce qu'on pourra bien me faire. Vous con naissez les lois... , . Le brave homme se figurait que dos députés devaient forcément connaître les lois. Nous ne pûmes que-lui donner bon courage, lui assurant qu'on lui tien drait certainement compte, de l'ancien neté de son affaire, de l'expiation qu'il s'était déjà infligée de lui-même, et du mobile qui l'avait empêché de se livrer à la justice. Quelques jours après il se constitua prisonnier, et le jury se montraindulgent. il s'en tira, je crois, avec une année de' prison. Cela ne veut pas dire qu'on ait forcément droit à la bienveillance des gens quand on a tué un homme dans sa jeu nesse." Mais cela montre au moins qu'il y a bandits et bandits, et qu'entre ceux de nos boulevards extérieurs et ceux du, maquis la comparaison n'est certes pas à l'avantage des premiers.. Ce qui n'empêche pas que les seconds aussi feraient bien de s'amender; Il se rait temps qu'on en finît avec ces haines, et que ces mœurs violentes s'adoucis sent. Mais ce n'est pas avec des chroni ques plus ou moins spirituelles, ni avec des plaisanteries démodéèa sur les «. choses de Corse » qu'on y portera re mède. Puisqu'on trouve que la Corse ne ressemble pas à tous les départements français, qu'on fasse donc ce qu'il faut pour que l'assimilation soit com plète. Qu'on donne à ce merveilleux pays, plus connu - des. Anglais, dès Allemands, des Russes et-des Sué dois que des Français, les chemins de fer qui lui manquent et les bateaux qu'il n'a pas ; qu'on assainisse ses endroits insalubres, qu'pn vienne en» aide à son agriculture, que les hommes fassent, seulement pour lui la centième partie de ce qu'a fait la nature. Qu'on donne la santé morale à cette terre généreuse qui donne la santé physique à tous ceux qui viennent la visiter. Et si l'on veut trans former les maquis de la Corse, qu'on y installe donc des fermes - écoles , ou qu'on y fasse passer simplement quel ques-uns. de ces tramways dont on ne sait plus que faire dans le grand maquis parisien... Xi6 Passant....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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