Extrait du journal

Le syndicat des chanteurs « Les chanteurs des rues ont formé un syndicat. » Pour fuir les polices bourrues Prenant les chemins les plus courts, ' Ils se groupaient au coin des rues Ou s'engouffraient au fond des cours. Le violon, la mandoline Soulignaient la phrase câline D'une romance; et quelquefois, Troublant la rentière et sa bonne, Les borborygmes d'un trombone Soutenaient ou couvraient leur voix... Lauréats du Conservatoire Ou jolis talents d'amateurs, Leur tâche ingrate et méritoire Excitait les bravos flatteurs. Et même, d'une humble fenêtre (Qui dira l'ardeur que fait naître Dans les cœurs 'un refrain banal?) Tombait, sacrifices ultimes, Une-pièce de dix centimes Dans un fragment de vieux journal. Mais en ce temps pratique et triste De pain cher, de fisc tracassier, Il n'est pas permis à l'artiste De gagner moins qu'un terrassier. Suivant la règle fatidique, : Le chanteur des cours se syndique, Et, pris .d'un scrupule tardif, Notre ancien bohème s'avère Comptable juste mais sèvère, Adorateur du dieu Tarif. D'ailleurs son syndicat le force S'il se produit dans les banquets (Baptême, noces ou divorce) A palper des cachets coquets... Tyrannie étroite et méchante, Le chanteur peut chanter, mais çliante Plus" esclave qu'un galérien. A ce régime qu'il s'engraisse ! Il ignorera l'allégresse Exquise de chanter pour rien. Hugues Delorme....