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Le Figaro, 20 septembre 1935

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Le Figaro
20 septembre 1935


Extrait du journal

Dans un salon qui sent encore un peu là naphtaline, Monsieur a ou vert le journal du soir. Il y voit une belle illustration qui représente le Comité des Cinq à Genève. Les Cinq sont souriants. On remarque■ même chez Tun d'eux un sourire épanoui. Comme disait Gavroche en une cir constance mémorable : « Il n'y a vraiment pas de quoi rigoler... » Monsieur s'en rend compte. En va cances, l'Ethiopie était loin. Il a suffi de rentrer à Paris : la voilà tout près. Monsieur qui sent bien la gravité du problème a reposé le journal illustré pour développer le Temps, où il sait bien qu'il se trouvera à l'abri de la frivolité. Le Temps n'est pas d'une lecture tout à fait réconfortante. La Bourse, qui est femme et d'une sensi bilité détestable, réagit aux nouvel les, a ses nerfs, ses battements de cœur, et faiblit singulièrement. Mon sieur cherche à se faire une opinion. Comme c'est difficile ! L'Italie est pleine de séductions et M. Mussolini a le mérite de la franchise. Mais l'Angleterre a pour elle le bon sens, l'équilibre et la constance de l'auto rité. Cependant les partis de gauche soutiennent l'Angleterre; et les so cialistes paraissent résolus à faire la guerre pour qu'il n'y ait pas la guerre. Qu'est-ce donc que cela veut dire ? Monsieur lit des dépêches de Londres, une nouvelle interview de Mussolini, une déclaration de M. La val qui dit qu'il n'en fera pas... Mon sieur pense ; « Florence était bien joli ce printemps... Et quel ordre !... Pourquoi l'Italie ne cultiverait-elle pas l'Ethiopie ? » Et puis il pense encore ; « Les Anglais n'ont jamais tort. Et les banques anglaises sont le suprême refuge de, la vieille société libérale... Mais pourquoi les socialistes ?... » Et la tête de Monsieur est remplie de questions contradictoires, de penchants' opposés... Sur un divan, non loin du fauteuil marital, mais à l'abri autant qu'elle le peut du cigare, Madame met en or dre son courrier. Ce sont des cartes et des lettres de belle écriture. Des invitations. Des professions de foi. « Nous avons assoupli nos prix aux circonstances sans rien modifier à la qualité de nos fournitures ». Evi demment ! Mais cette autre lettre qui présage des prix un peu moins « as souplis » porte un en-tête en re nom. « Il est cher, mais il a tant de goût !... Je pourrais peut-être ne pas commander autant de robes du soir. On les met trois fois et encore... Et puis avec ces événements ! A moins que j'achète pour l'après-midi des robes « éditions... » Mais l'édition, ça n'est tout de même pas cela... » Et la tête de Madame est remplie de questions contradictoires, de pen chants opposés. Au-dessus du salon, une T.S.F. distribue en échos assour dis l'ouverture du Barbier... Mon sieur laisse s'éteindre son cigare. — « La vie est bien compli quée !... » dit-il enfin à haute voix. Guermantes....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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