Extrait du journal

ce, de Suisse, d'Allemagne, de Hollande, d'Italie et d'Amérique pour donner l'illusion que tous ces pays pouvaient voisiner en paix et qu'il existait une vie in ternationale... Dans ce salon, j'ai rencontré quelqu'un que je n'avais pas vu depuis des années. Un Autri chien, souvent parisien quand Vienne venait à Paris — pour le plaisir de n'y être pas dépaysé; un vieux monsieur (il me par donnera s'il lit ce billet de l'ap peler ainsi) possédant l'expérien ce mélancolique et aussi la grâce renseignée de son âge ; — « Oui, je demeure ici, me dit-il, et n'en bougerai plus... Je n'ai plus de pays. Je ne retrouverai en Au triche rien de ce que j'y ai aimé, de ce qui formait mes habitudes. On y a détruit tout ce qu'il m'é tait précieux de vivre et de faire vivre... Je suis condamné aux souvenirs. Je leur resterai fidèle le temps que Dieu voudra... » — « Vous nvez lu les nouvelles ? fis-je. » — « Je n'ouvre plus un journal, me dit-il. Advienne que pourra 1 Je ne veux plus rien connaître de ce monde de fous qu'est le monde d'à présent... » H n'y avait pas de réplique à cette sagesse désabusée. D'ail leurs ce vieil homme, résolu à sa manière, se mil à me parler d'une dame qui avait été fort belle dans sa jeunesse, l'était en core dans la mienne, et dont nous ne savions ni l'un ni l'autre ce qu'elle était devenue. Guermanteg....