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Le Figaro, 21 juillet 1878

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Le Figaro
21 juillet 1878


Extrait du journal

est-même contrariée d'avoir une chaise au lieu d'un tabouret. - Mercredi Si octobre* Je crains que notre princesse ne. fasse pas encore sa partie de barres aujourd'hui.. C'est jour de parloir, et à midi sonnant* nous montons toutes dans les dortoirs pour nous attifer, afin d'être prêtes, si l'on nous demande. Pendant cette opération, Madame, qui n'avait pas à la subir, devait étudier sa leçon d'anglais. Il fut décidé que je res terais avec elle pour l'y aider. Je ne lui avais pas encore adressé là parole; je crois que nous étions, l'une et l'autre, fort intimidées, car nous nous assîmes, chacune à une extrémité de la chambre, sans nous rien dire, mais nous regardant. à la dérobée. Au bout d'un moment, je me hasardai à lui "offrir mes services. Elle me remercia, sans les accepter,et nous nous remîmes à feuilleter en si lence nos livres respectifs. Bientôt ce? . pendant elle lève la tête et me demande si j'aime la maîtresse d'anglais, sœur Marie de l'Incarnation. Je lui réponds que oui, et voilà là glace rompue, grâce à cette commune sympathie. L'aimable religieuse, qui.'est adorée des élèves, va partir en mission, pour les pays loin tains. C'est ainsi qu'en déplorant son dé part, la princesse et moi nous sommes devenues bonnes amies. Elle est un peu timide; mais aussitôt qu'elle se sent à son aise elle s'anime, et je la croispour le m'oins aussi gaie qu'une autre.. Nous avons donc organisé, tant bien que mal, une partie de barres. Quelquesunes ont voulu enseigner le jeu a la prin cesse ; mais elle a bientôt fait voir qu'elle en savait autant que nous. Elle court très vite, et je crois que ce sera un bon atout dans le jeu- de ses partners. Il y avait aussi des élèves qui n'osaient pas la poursuivre vigoureusement. Quand elle a vu cela, elle s'est fait prendre exprès, ce qui les a tout de suite, mises à leur aise. . C'est plaisir de l'entendre raconter sa vie de famille. Rien de plus régulier et de plus touchant à la fois. Les enfants du duc et de la duchesse se lèvent à six heu-* res et se couchent à huit. Ils ont.le plus grand respect, en même temps que la plus vive affection pour leurs parents, et ne se couchent jamais sans recevoir la bé nédiction de leur père. Quelquefois, lorsque le prince est allé à la chasse, il lui arrive de né rentrer qu'à minuit ; alors les enfants, au lieu de se déshabiller, s'endorment sur des chaises jusqu'à son retour. On ne leur permet jamais de. se coucher sur des sofas, en présence de personnes plus âgées ; mais Mercédès as sure-qu'ils dorment à merveille sur une chaise. Quand le père arrive, ils se ré veillent pour l'embrasser, et vont vite se mettre au lit. 26 novembre. Hier, c'était la Sainte Cathe rine, dit l'auteur des lettres que nous citons. Or, il paraît qu'on avait bruyamment fêté sainte Catherine à l'Institution. La fête avait même commencé la veille au dortoir, et une grande fille, nommée Alice de L..., la princi pale instigatrice du tumulte, dangereuse ré cidiviste (songez donc I elle n'avait pas été sage la semaine prédonte J) avait été punie et séquestrée dans la lingerie. Or, le soir, on devait jouer la soène du fantôme à'Hamlet, et Alice était la meilleure, actrice. Il allait falloir faire relâche. On résolut de demander la grâce d'Alice. Apres le dîner, qui fut splendide et bruyant, une députation se forma pour aller demander sa délivrance à la supérieure générale. ■ Mais ce ne fut pas tout; quelqu'un proposa de mettre a la tête de la déEutation la princesse de Montpensier. 'idée fit fortune et les élèves choi sies par leurs compagnes se rendirent dans la salle où la princesse dînait avec les rubans. La pauvre petite Ma dame se trouva, dans une cruelle per plexité. A la proposition qui lui futfaite, elle demeura d'abord muette et inter dite. Les jeunes filles la pressèrent, lui peignant sous les couleurs les plus som-. bres les désastres qui résulteraient de l'absence d'Alice;-ajoutant que c'était la première occasion qui s'offrait à elle de faire quelque chose pour ses compagnes. Mercédès hésita longtemps, partagée, entre sa répugnance à solliciter un par don qu'elle ne croyait pas mérité, et le désir qu'elle avait de se rendre agréable à ses nouvelles amies. Elle rougit, et les larmes lui vinrent aux yeux. Finalement elle resta fermé, persuadée, comme elle ledit à Anne de G..., que les religieuses savaient mieux que personne ce qui con venait à Alice, et ne voulant pas les met tre dans la pénible obligation de refuser. Quelques élèves, furieuses, l'arrangèrent fort mal et murmurèrent : « Petite sotte! elle a peur: » mais elle fut approuvée par le plus grand nombre des rubans. Malgré cet échec, la députation se mit en marche. La supérieure la reçut aussi bien que possible. Elle ne -demandait pas mieux que de délivrer Alice ; mais elle exigeait que la coupable témoignât quelque repentir. Une démarché fut donc faite dans ce sens auprès d'Alice, qui re fusa formellement de demandér pardon. L'obstinée jeune fille espérait sans doute que la scène ne pourrait se jouer sans elle, et qu'on viendrait la chercher sans condition au dernier moment. 45 décembre. La troisième division d'histoire, classe du moyen âge, profes sée par la sœur Marguerite, fut hier très agitée. C'est une classe fort nombreuse, composée en grande partie de moyen nes, qui poussent la dissipation au der nier degré. La sœur Marguerite a eu beaucoup de peine, pendant tout l'hiver, à maintenir la classe en bon ordre; mais hier soir, les élèves. se sont mon trées plus rebelles que d'habitude. Les mauvaises notes, si efficaces pour l'ordi naire, n'ont eu cette fois aucune action. La pauvre sœur éprouvait une indicible angoise en présence de tant de folie ; lorsqu'elle vit là douce et'tranquille Ma dame, gagnée par la contagion, faire ?a partie dans cet abominable concert, elle comprit qu'il fallait recourir à quelque moyen desespéré.. Eiie fraj^ja sur sa chaire un violent coup de règle qui fit tressaillir tout le monde et cria : « MerQédès ! » La princesse devint pourpre et se dressa sur ses pieds, tandis que les...

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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