Extrait du journal
NOUS attendons avec espérance et avec crainte le Code de défense de la famille que M. Daladier a promis à la France pour ces jours prochains. Avec espérance, car rien n'est plus nécessaire, ni plus urgent. Avec crainte, car la formule même que le chef du gouvernement a lancée l'autre jour montre d'avance les limites de l'action promise. Le « Code de défense de la famille »... Cette atti tude défensive n'avoue que trop un état d'infériorité de la vie familiale. La défense s'impose, faut-il le dire, et nulle mesure ne sera trop rigoureuse contre les assassi nats d'enfants à naître, qui feront surtout l'objet, à ce qu'on prévoit, des prochains décrets. Mais c'est là le moins qu'on puisse demander. C'est comme si l'on parlait de développer la marine et qu'on en 6oit à empêcher les incendies de navires, . ou de réorganiser l'économie et qu'on s'avise seulement c},e ,"s„axietioirap.r les faillites frau duleuses. Il est ion-de punir le-mal, il est meilleur d'ai mer le bien, ou tout simplement d'y penser. Le bien, en l'espèce, ce sont les enfants. Mais qui pense aux enfants, aujourd'hui ? Peu de gens, et voilà le plus grave. Ici et là, quelques Français, notamment les fondateurs, les animateurs, les adhérents des caisses de compensation, qui assurent le service des allocations familiales. Encore cet admi rable effort a-t-il été rendu nécessaire par une répartition insensée des salaires, qui ne tient aucun compte des char ges de famille. On n'a pas plus pensé aux enfants dans la vie sociale qu'on n'y a pensé dans maints autres domaines de la vie de la nation. C'est cet esprit qu'il faudrait chan ger. Et, pour commencer, dans l'Etat. L'Etat ne pense pas aux enfants. C'est très bien de prendre des mesures extrêmes, quand la question de la natalité devient dramatique. Mais il vaudrait mieux, à propos de chaque décret et de chaque loi, sur tous les sujets et dans toutes les affaires, songer à l'incidence sur la vie familiale de la mesure que l'on veut prendre. Avant de créer telle ou telle taxe qui frappera la vie au foyer ou la subsistance des plus nombreux, et qui sera plus légère au sans-enfants, picoreur et baladeur, songez aux famil les. Si je croyais à la vertu des slogans, j'oserais presque un affreux solécisme pour adjurer avec une force plus brève les pouvoirs publics et leur dire : « Pensez famille, vous êtres trop habitués à penser sans-enfants. » Donne-t-on des loisirs aux adultes ? Ils sont présu-' més sans-enfants. On n'a pas pensé que tous les écoliers de France ont leurs congés le dimanche et le jeudi. Le second dimanche que l'on met dans la semaine est le samedi : un dimanche pour sans-enfants. Il y a bien eu des protestations, suivies de quelques vagues enquêtes. Le jeudi scolaire est demeuré d'un côté, le week-end de l'au tre. Le week-end est une faveur de plus pour les sansenfants. Le détail est mince, dira-t-on. Mais il y en a cent de cette sorte. Et c'est ainsi que les enfants deviennent non seulement une charge, mais un ennui, pour ne pas dire une punition. Et puis certaines façons de « penser sansenfants » sont plus graves, quand il s'agit du logement par exemple : car un logis est fait pour les habitants qu'il doit contenir ; si l'on veut des enfants, il faut bâtir des maisons qui les prévoient. Près de la petite maison quë j'habite aux environs proches de Parié, j'ai pour voisin un grand bâtiment. Un enorine bâtiment que j'ai vu sortir de terre, grâce .à la fortune d'un propriétaire fort riche. C'est un bloc d'ap partements où deux ou trois cents locataires peuvent être juxtaposés et superposés. Le confort et même le luxe ont été prodigués aux habitants de cette belle cité. Studios, salons, salles de bains rivalisent de modernisme. Il ne manque que les chambres d'enfants. Non. Soyons exact : dans les apçartements les plus grands, une chambre pour un enfant a été prévue. ' Vous pensez que le propriétaire de ce magnifique immeuble est un mauvais Français. Malheureusement, on ne peut pas aller le lui dire en face, car ce propriétaire est une personne morale, si j'ose dire. Il s'appelle la Caisse des Dépôts et Consignations. L'enfant tend ainsi, de plus en plus, à passer pour une exception. Et si l'on pense aux familles, c'est avec ce genre de sympathie que suscitent les collectionneurs de tulipes ou de porcelaines. Le Code de la famille, qui mériterait ce beau nom, ne serait pas un fascicule de lois spéciales, mais toute la législation française, toute l'admi nistration française, orientées vers l'enfant, au lieu d'être tournées trop souvent contre lui. André Rousseaux....
À propos
En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.
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